L'expo de la mort qui tue Fabrikà UFC
Nicolas Waltefaugle
Auteur 
Elodie Mereau

L'interview de la mort qui tue : vanités et memento mori

Chaque semaine, une mini-visite virtuelle de L'expo de la mort qui tue, alimenté par le regard d’un chercheur ou d’une chercheuse de l'université de Franche-Comté.

Pour continuer de faire vivre "L’expo de la mort qui tue" en ces temps troublés (à voir ou revoir à la Fabrikà lorsque le contexte sera plus favorable), le service sciences arts et culture de l’université de Franche-Comté vous propose une série de rendez-vous à retrouver sur le site de l’université. Que vous ayez vu ou non l’exposition, pas d’inquiétude, ces sujets sont inédits ou prolongent les pistes de réflexion qui y sont abordées.

Pour ce premier rendez-vous, Sophie Montel, enseignant-chercheur en Histoire de l’art et archéologie de la Grèce antique à l’université de Franche-Comté, a accepté de répondre à nos questions et de nous guider dans l’univers des vanités et des memento mori.

Avant de lui laisser la parole, retour rapide sur ces représentations sensibles de la mort et leurs significations.
Memento mori signifie en latin « souviens-toi que tu vas mourir ». Depuis des siècles, ces images ou petits objets, nous rappellent que nous sommes tous mortels. Souvent figurés par un crâne « une tête de mort », ou un squelette, ces memento mori peuvent prendre une forme graphique (dessin, gravure, enluminure…) et faire appel à un savoir-faire artisanal (bijoux, petits objets sculptés, …).

Des tableaux, très en vogues à partir du XVIIe siècle, ont instauré un genre de peinture que l’on appelle vanités. Des crânes y sont également représentés ainsi que d’autres objets comme des sabliers, des fleurs fanées ou encore des bougies, allégories du temps qui passe et de la fragilité de nos existences.
De Dürer à Philippe de Champaigne, en passant par Cézanne, Picasso ou Damien Hirst, vanités et memento mori font l’objet d’explorations plastiques protéiformes. Aujourd’hui encore ces objets et images peuplent nos cultures et nos imaginaires collectifs : bagues, t-shirts, tatouages, affiches, montres (…) utilisent la tête de mort comme motif graphique.

Si les premiers memento mori  sont datés du moyen-âge et sont liés à la culture chrétienne, nous nous sommes demandés si ces représentations étaient déjà présentes en des temps plus anciens…

L’INTERVIEW DE SOPHIE MONTEL

Pouvez-vous vous présenter rapidement ?

Je suis arrivée à Besançon en 2011, après avoir enseigné à l’université Paris-Nanterre – où j’ai étudié l’Histoire de l’art et l’archéologie, et à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée. Je dispense des cours d’initiation à l’art et à l’archéologie du monde grec, des cours sur les formes urbaines, sur les sanctuaires en Grèce ; je fais aussi un peu d’iconographie, mais mon sujet d’étude et d’enseignement préféré est la sculpture. Je m’intéresse en particulier aux relations entre les statues et l’espace, l’environnement qui les accueille ; et à la place de la sculpture dans les pratiques religieuses des Grecs. D’ailleurs, il y avait beaucoup de sculptures dans les nécropoles grecques, des statues, des stèles ornées de reliefs notamment.

Existe-t-il des représentations de la mort en Grèce ancienne qui rappellent les Vanités ou les memento mori  (ou qui en sont les équivalents) ?

À ma connaissance, il n’existe pas de représentation de vanités en Grèce ancienne ; les premières apparaissent à Pompéi ; je pense en particulier à deux mosaïques du début du 1er siècle de notre ère. Pour évoquer la mort, ou le temps qui passe et qui nous y conduit, les Grecs avaient d’autres moyens. Ils représentaient par exemple :

  •  les âmes des défunts s’échappant de leur poitrine, 
  • les génies Hypnos et Thanatos enlevant le corps d’un défunt (comme sur un célèbre vase à figures rouges du peintre Euphronios, représentant Hypnos et Thanatos transportant le corps de Sarpédon, à voir au Metropolitan Museum de New York - 1972.11.10),
  • les rites funéraires eux-mêmes,
  • ou encore la traversée du Styx vers les Enfers, avec Hermès Psychopompe, conducteur des âmes.

Quelles formes prennent-elles et que signifiaient-elles ?

Sur les mosaïques du 1er siècle du musée de Naples, le squelette apparaît complet ou réduit à un crâne ; sur une des mosaïques, il est accompagné d’éléments évoquant le temps qui passe tels une balance et une roue de la fortune ; sur une autre, le squelette tient dans ses mains des vases à boire du service du banquet. On connaît également des lampes en terre cuite ornées de squelettes.

Un objet en lien et que vous affectionnez particulièrement ?

J’aime beaucoup les célèbres gobelets aux squelettes de Boscoreale, conservés au musée du Louvre. Ils montrent des hommes de lettres (désignés par des inscriptions), représentés par leurs squelettes, accompagnés de maximes ou sentences épicuriennes. Le temps qui passe, la fragilité de la vie, la vanité étaient des thèmes abordés lors des banquets dans lesquels ces gobelets d’apparat en argent comme les lampes ornées de squelettes ont pu être utilisés.

https://www.louvre.fr/oeuvre-notices/tresor-de-boscoreale

Comment expliquer l’existence des memento mori depuis plusieurs siècles et le fait qu’aujourd’hui encore ils font partie de notre quotidien ?

Les hommes ont peut-être encore un peu conscience que leur vie sur terre ne représente pas grand-chose sur l’échelle du temps de notre planète ! Et la crise sanitaire que nous traversons aujourd’hui nous le rappelle chaque seconde !

Merci beaucoup, on vous laisse le mot de la fin ! …

Allez-vous promener dans les musées virtuels pour continuer à découvrir le monde malgré le confinement. Par exemple, sur le site du Metropolitan, avec un diaporama sur notre sujet : https://www.metmuseum.org/toah/hd/dbag/hd_dbag.htm
Et, en général, pour les antiquités : les musées du Louvre (https://www.louvre.fr/), de Berlin (https://www.smb.museum/home.html), ou encore le British Museum de Londres (https://www.britishmuseum.org/).

Contact

Service Sciences, arts et culture - SAC

Carpe diem
Memento mori
Louvre - Gobelet aux squelettes

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