Interview de la mort qui tue : drôles d’épitaphes
Cette semaine, on vous emmène à la découverte d’un genre littéraire très ancien (Grèce ancienne) : l’épitaphe. Si ce court poème reste principalement attaché aux rites funéraires, il n’en demeure pas moins que certaines ne manquent pas d’humour.
Dérivé de l’épigramme, l’épitaphe est une brève inscription qui prend souvent la forme d’un poème pour perpétuer le souvenir d’une personne. Gravée dans la pierre des stèles et des tombeaux, elle peut être simple et présenter le nom et la fonction du défunt. Elle peut aussi prendre un caractère informatif sur la vie de la personne décédée. L’épitaphe peut figurer une adresse des vivants aux morts ou de la personne défunte aux vivants. Élogieuse ou satirique, elle constitue une source d’information précieuse pour la compréhension de la conception de la mort à diverses époques. Ces courtes adresses regorgent parfois d’inventivité, de formules bien senties et d’humour, s’éloignant des ordinaires « Ci-gît » ou « Ici repose ».
Voici donc quelques exemples d’épitaphes latines dénichés avec l'aide de l'Institut des Sciences et Techniques de l'Antiquité (EA 4011) de l'université de Franche-Comté. D’autres sont à découvrir bientôt nous l’espérons au sein de L’expo de la mort qui tue*.
Eh ! Oh ! Le voyageur !
Arrêtes-toi ici un tout petit instant !
Tu fais signe que non ? Tu ne veux rien savoir ?
C’est pourtant bien ici qu’un jour tu reviendras !
Capène, Rome Italie
Date non connue
De mon vivant, j’ai aimé bien boire.
Buvez, vous qui vivez.
Antioche de Pisidie
Turquie
Ier siècle de notre ère
Ci-gît Vital, esclave et fils de C. Lavius Faustus, esclave de naissance, né dans la maison de Lavius. Il vécut seize ans, et fut gérant de l’auberge à la ville d'Apri. On l'aimait, mais les dieux, l'ont ravi. Je vous en supplie, voyageurs, si je vous ai donné moins que la mesure, n'en rendez pas mon père responsable. Je vous en prie par les Dieux d'en haut et d'en bas, ayez de l'estime pour mon père et ma mère. Adieu.
Mavrolefki
Macédoine, Grèce
IIe siècle de notre ère
Le riche édifie sa maison, le sage son tombeau. L’une est auberge pour le corps, l’autre est demeure véritable. Nous séjournons dans l’une un tout petit moment, mais nous habiterons dans l’autre.
Rome, Italie
Date non connue
Aux dieux Mânes et à la mémoire éternelle de Blandinia Martiola, jeune femme pleine d’innocence, morte à l’âge de dix-huit ans, neuf mois et cinq jours ; Pompeius Catussa, de la cité des Séquanes, artiste stucateur, à son épouse incomparable, remplie de bonté à son égard, qui a vécu avec lui cinq ans, six mois et dix-huit jours, pure de toute souillure, a élevé ce tombeau et aussi pour lui-même et l’a dédié sous l’ascia. Toi qui lis ces lignes, va au bain d’Apollon, ce qu’avec ma femme j’ai souvent fait et voudrais encore faire si cela était possible.
Épitaphe dédié par un artisan de la cité des Séquanes à son épouse.
Lyon, France
IIe – IIIe siècle de notre ère
*Pour continuer de faire vivre "L’expo de la mort qui tue" en ces temps troublés (à voir ou revoir à la Fabrikà lorsque le contexte sera plus favorable), le service sciences arts et culture de l’université de Franche-Comté vous propose une série de rendez-vous à retrouver sur le site de l’université. Que vous ayez vu ou non l’exposition, pas d’inquiétude, ces sujets sont inédits ou prolongent les pistes de réflexion qui y sont abordées.