Des modules d’enseignement libres pour développer plus de compétences
L’IUT Belfort-Montbéliard souffle la première bougie de ses modules d'enseignement libres : modules d’ouverture sur une autre discipline ou de préparation à des choix d’orientation ultérieurs, soit 24 heures de TD et deux crédits ECTS intégrés aux programmes nationaux. Entretien avec Olivier Prévôt, directeur de l’IUT Belfort-Montbéliard, et Bruno Viezzi, directeur adjoint de l’IUT responsable de la formation.
Pourquoi créer des modules d’enseignement libres (MEL) ?
Olivier Prévôt : Les MEL ont été créés pour favoriser la transversalité des compétences, l’ouverture, la découverte. L’idée est de décloisonner les départements de formation et de donner envie aux étudiants et aux enseignants de s’ouvrir à des cours qui ne sont pas inscrits dans les programmes pédagogiques nationaux (PPN). Les MEL permettent ainsi une autre pédagogie : dans les groupes, les étudiants ont des niveaux différents, une appréhension différente de la matière. Les MEL, ce sont des cours originaux : avec ce dispositif, nous recherchons, par la transversalité et la pluridisciplinarité, à développer la curiosité, stimuler la créativité.
Pourquoi des MEL alors qu’il y existe déjà, dans d’autres établissements, des unités d’enseignement libres, des unités d’enseignement de découverte ou des unités d’enseignement fondamental ?
Bruno Viezzi : L’IUT se distingue de l’université par l’existence de PPN : la structure et le contenu des enseignements sont définis par ces programmes. Il ne nous est donc pas possible, statutairement, de rajouter des unités d’enseignement, libres ou non. Par contre, dans le cadre de l’aménagement local des programmes, nous pouvons rajouter des modules, ce qui nous permet d’être en conformité avec notre statut d’IUT et de proposer à tous les étudiants d’élargir le champ de leur formation en leur permettant de choisir des matières, des enseignements qui, pour certains, n’ont rien à voir avec leur spécialité : ce sont des MEL d’ouverture. Pour d’autres, au contraire, les MEL sont l’occasion d’approfondir des points qui ne seraient pas suffisamment détaillés dans les programmes.
Quel constat est à l’origine des MEL ? Pourquoi ce besoin ?
Olivier Prévôt : Il y a un réel besoin de diversifier les enseignements, d’ouvrir l’esprit des étudiants. Nous souhaitons surtout favoriser les croisements de compétences afin que nos étudiants soient mieux à même de travailler dans des équipes pluridisciplinaires. Résoudre des problèmes complexes nécessite une culture large, touchant de nombreux domaines. En faisant travailler les étudiants de différents départements ensemble, nous cherchons également à construire une image forte pour l’IUT. Nous passons d’une simple juxtaposition de formations à une véritable coopération entre les étudiants, les enseignants, les chercheurs et les personnels.
Quelle est la valeur ajoutée des MEL ?
Bruno Viezzi : La valeur ajoutée, c’est le contenu même des enseignements, le fait de travailler avec d’autres étudiants, d’autres enseignants, avec d’autres modalités d’enseignement. C’est apprendre autrement. Dans le déroulement des MEL, il y a des conférences, des participations à l’extérieur : par exemple, dans le MEL « Bénévolat étudiant », les étudiants vont dans des structures associatives pour s’investir. En « AERO », MEL qui porte sur les techniques de vol à voile, les étudiants vont côtoyer ceux de l’UTBM et travailler sur des simulateurs. Il y a un enrichissement évident.
Cela signifie par exemple, qu’un étudiant en carrières sociales peut s’inscrire au MEL « Bioclimatisme et bioconstruction » ?
Bruno Viezzi : Absolument, il sera le bienvenu, d’autant que ce module n’est pas accessible aux spécialistes que sont les étudiants de Génie civil.
Il y a donc une dimension de vulgarisation ?
Bruno Viezzi : Oui, de vulgarisation, d’ouverture, de sensibilisation à des sujets d’actualité, des sujets porteurs, l’idée étant également de développer un maximum de MEL qui ont trait au projet « Éco-campus ».
Quels sont les liens entre les MEL, justement, et le projet « Éco-campus » ?
Olivier Prévôt : L’enjeu est de concourir à des projets communs associant les compétences multiples nécessaires pour relever le défi de la transition énergétique. Les MEL « Éco-campus » ont pour but de découvrir des enseignements qui sont initialement dans une discipline orientée « Éco-campus », comme la thermique et l’énergie, ou à approfondir des contenus inscrits dans les PPN. Au cœur du projet « Éco-campus », il y a la réhabilitation énergétique des bâtiments qui nécessite la coopération de corps de métiers très divers avec une technicité qui s’élève : on peut être très bon en génie civil mais il faut aussi avoir des compétences thermiques, et inversement. Il est important que les étudiants puissent découvrir d’autres métiers de ce secteur et donc que la part des MEL consacrée au projet « Éco-campus » se développe.
Quel est l’intérêt de MEL « Éco-campus » pour les formations tertiaires ?
Olivier Prévôt : Tous les départements sont concernés par le développement durable et donc par le projet « Éco-campus » : en Carrières sociales, par exemple, avec la question des usages dans le logement social, il faut expliquer comment fonctionne un logement BBC (bâtiment basse consommation), accompagner les habitants dans les nouvelles pratiques. Les départements orientés commerce sont également concernés car il y a un marché de la construction, de l’innovation, de l’énergie.
Comment les enseignants mettent-ils en place les MEL ?
Bruno Viezzi : C’est sur la base du volontariat. En général, les enseignants qui animent des MEL proposent des choses qu’ils aiment faire mais qu’ils n’ont pas forcément l’occasion de partager dans le cadre des PPN. Cela leur permet donc aussi de s’ouvrir et de parler de sujets qui les passionnent : le cinéma, la présentation des nanosciences, l’aéronautique, etc.
Comment sont organisées les 24 heures consacrées aux MEL ?
Bruno Viezzi : Certains MEL sont dispensés pendant la semaine intersemestre mais d’autres ne peuvent pas l’être pour des raisons pédagogiques, comme en langues. Ce type de MEL sera dispensé au fil du semestre selon des créneaux définis par l’intervenant, en dehors des heures de cours. Concernant le déroulement des modules, les enseignants ont une grande liberté. À la fin du semestre, l’étudiant est évalué et la note est intégrée aux autres. L’enseignant doit gérer les disparités de niveau mais comme on ne s’inscrit plus dans une démarche qui est celle d’un programme avec des prérequis, il peut faire preuve d’imagination au niveau des scenari pédagogiques, proposer des activités différentes à un public hétérogène et s’adapter au niveau de chacun, débutants ou étudiants en perfectionnement.
Les MEL étant notés et obligatoires, comment les étudiants ressentent-ils cette obligation ?
Olivier Prévôt : C’est très récent. Lorsqu’on leur a proposé l’année dernière, il y a eu une certaine réticence devant l’inconnu, mais le retour qui a été fait, notamment dans le cadre de la commission vie étudiante où nous avons rencontré les représentants des étudiants, montre que globalement les étudiants y trouvent un intérêt fort. Les étudiants mettent parfois en avant des difficultés pratiques, mais jamais ils ne remettent en cause l’idée même du MEL, le caractère obligatoire ou le contenu. Les seuls reproches sont d’ordre logistique mais nous nous améliorons. D’autant qu’il y a deux sites à gérer, ce qui pose quelques difficultés, mais le MEL doit permettre à l’étudiant de devenir acteur de son parcours de formation, c’est-à-dire que c’est à lui d’intégrer dans le choix de son MEL la dimension pratique : il doit choisir un MEL qui soit compatible avec sa vie, par exemple avec ses activités sportives.
Quelles sont les modalités de contrôle des connaissances ? Est-ce qu’un 0 est éliminatoire ?
Bruno Viezzi : Elles sont à l’entière liberté des porteurs de MEL. On veille à une harmonisation, à des critères communs à tous les MEL pour éviter les disparités dans la notation. Le 0/20 n’est pas éliminatoire mais un MEL donne droit à deux crédits ECTS : la note obtenue est prise en compte dans le calcul de la moyenne de l’étudiant pour son semestre. Comme il est intégré à chaque PPN, le MEL peut aider ou pénaliser l’étudiant.
Est-ce que certains MEL permettent d’obtenir plus facilement de bonnes notes ?
Olivier Prévôt : Non, les modes d’évaluation tiennent tous compte de l’engagement de l’étudiant, de sa progression, de son niveau de travail, d’implication, de connaissances et de sa présence. Le MEL est obligatoire : on montre aux étudiants que certes, ça peut être amusant, mais qu’on apprend autrement tout en restant exigeant.