Portrait de Sarah benchabane
Ludovic Godard
Auteur 
Delphine Gosset

Des travaux brillants sur de nouveaux cristaux

Sarah Benchabane a reçu la médaille de bronze du CNRS pour ses recherches sur les cristaux phoXoniques, un nom aux accents de science-fiction qui recouvre un domaine de recherche prometteur. Parcours d'une jeune femme brillante qui a tracé son chemin entre l'optique et l'acoustique.

Au lycée, Sarah Benchabane est partagée entre son goût des sciences et un intérêt prononcé pour la linguistique. Pragmatique, elle opte finalement pour une filière scientifique, avec anglais, allemand et grec ancien, partant du principe qu'il lui sera plus facile de « faire des lettres en dilettante que des sciences en dilettante ». A l'Université de Saint-Etienne, elle s'oriente vers la physique, une discipline qui lui convient parce qu'elle couvre tous les champs : du formalisme théorique jusqu'à l'expérience. Elle choisit tout de même une licence bilingue grâce à laquelle elle part faire sa maîtrise à Edimbourg. Là-bas, elle se spécialise en optique et en physique du semi-conducteur. L'année suivante, elle repart à Glasgow pour son stage de DEA.

Un sujet de thèse proposé par Vincent Laude et Abdelkrim Khelif, deux chercheurs à l'origine de la thématique « phononique » à l'institut FEMTO-ST, retient son attention. A leurs côtés, elle entame une reconversion de l'optique vers l'acoustique. Les recherches de Sarah Benchanbane consistent à trouver de nouveaux moyens pour contrôler la propagation des ondes acoustiques1. En créant, comme dans un double vitrage, une alternance de couches de deux matériaux aux propriétés mécaniques très contrastées (l'un très rigide, l'autre très fluide), on peut interrompre la propagation de l'onde et faire en sorte que l'énergie soit renvoyée, tout comme un miroir réfléchit la lumière. En jouant sur les caractéristiques des matériaux et la distance entre ces couches, on parvient, par un jeu d'interférences constructives et destructives, à interdire complètement à une longueur d'onde donnée de traverser la structure. Selon les agencements, on peut aussi guider l'onde, ou concentrer toute l'énergie en un point. Si on applique ce principe, non plus à une succession de couches planes, mais à une structure en deux ou trois dimensions (cristal) constituée par exemple de cylindres ou de billes, on parvient à des dispositifs beaucoup plus efficaces et de dimensions réduites. Les applications potentielles de ces cristaux phononiques sont prometteuses, en particulier dans le domaine de la téléphonie mobile, où ils pourraient donner naissance à une nouvelle génération de filtres.

En 2007, Sarah Benchabane intègre, dans le cadre d'un contrat post-doctoral, un groupe d'opto-électronique dans un institut récemment créé à Barcelone (l'ICFO). Elle y travaille depuis quelques mois lorsqu'elle apprend que ses premières candidatures ont porté leurs fruits : elle obtient à la fois un poste de chargée de recherche à l'institut FEMTO-ST et un poste de maître de conférences à Lille. Elle choisit le CNRS, pour pouvoir se consacrer pleinement à la recherche, et revient à Besançon en janvier 2008, tout en poursuivant des collaborations à Barcelone. Elle juge chacune de ses expériences à l'étranger extrêmement profitables : « C'est toujours une leçon d'ouverture et d'humilité que d'aller voir comment fonctionnent d'autres laboratoires », déclare-t-elle. 

Au cours des quatre dernières années, elle a cherché à développer des systèmes efficaces pour les hautes fréquences (de l'ordre du GigaHertz), mettant au point de nouveaux dispositifs et moyens de caractérisation, et concevant de nombreuses expériences. Elle garde un pied dans la salle blanche2 pour mieux comprendre les contraintes liées à la microfabrication sur les deux principaux matériaux utilisés : le niobate de lithium et le silicium. Les longueurs d'ondes auxquelles elle travaille, de l'ordre du micron, sont aussi celles de l'optique, d'où l'idée de constituer des cristaux qui combinent les mêmes propriétés sur le plan photonique et phononique : les cristaux phoXoniques. Un travail auquel elle s'emploie actuellement.

Ses travaux brillants lui valent de recevoir la médaille de Bronze du CNRS3 le 14 décembre 2012. Cette récompense, elle la juge avant tout collective. Elle appartient en effet à l'un des rares laboratoires qui rassemble des opticiens et des acousticiens et bénéficie à la fois d'outils théoriques et de moyens de fabrication, dans un champ d'investigation qui a le vent en poupe4.

  1. Les ondes acoustiques ou élastiques en question ne comprennent pas seulement le son perçu par l'homme. Il s'agit d'ondes mécaniques, qui se propagent dans un fluide ou dans un solide.
  2. Une salle blanche est un environnement de fabrication particulier, où on limite la présence de poussières et de particules, où on contrôle la température et l'humidité, pour réaliser dans de bonnes conditions des composants de toute petite taille.
  3. La médaille de bronze du CNRS récompense un début de carrière brillant et prometteur.
  4. Les premières publications datent de 1995 et le « boom expérimental », dans le domaine des radio-fréquences, de 2005.  

Contact

Sarah Benchabane
Département Micro Nano Sciences & Systèmes
Institut FEMTO-ST
Tél. 03 81 85 39 26
sarah. benchabane@femto-st.fr
http://www.femto-st.fr

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