Quand la Franche-Comté était flamande
Besançon, ville espagnole ? Ses grilles en fer forgé témoigneraient de l'influence hispanique subie aux XVème et XVIème siècles. Il n'en est rien.En réalité, c'est aux Pays Bas que la Franche-Comté était étroitement liée à l'époque.
« Si la Franche-Comté a subi une influence étrangère autre que française, c'est assurément celle des Pays Bas » affirme Paul Delsalle, spécialiste de l'histoire Franc-Comtoise des XVème et XVIème siècles. La région dépendait alors des anciens Pays Bas1.
C'est à Bruxelles, la capitale, qu'étaient nommés les fonctionnaires comtois. La légende d'une mainmise espagnole tient à la fois à un célèbre poème de Victor Hugo2 et à une demi-vérité historique. La Franche-Comté appartenait aux différents Comtes de Bourgogne3 de la dynastie Habsbourg. Parmi eux, Charles Quint a été, un temps, roi d'Espagne, mais les liens avec ce pays sont restés très minces. « La Franche-Comté n'a jamais été hispanisée4 : il n'y a pas eu dans la région de fonctionnaires ni même d'étudiants espagnols. En revanche, l'influence des Pays Bas était très importante », explique Paul Delsalle.
Les liens étaient d'ordre culturel, religieux, économique et politique. A l'époque, on n'hésitait pas à entreprendre deux semaines de voyage pour aller rencontrer les souverains à Bruxelles, Lille ou Louvain. Beaucoup de Liégeois5 venaient travailler dans les forges de la région. Besançon garde encore quelques noms de rue, comme la rue d'Anvers, et quelques éléments d'architecture, comme le palais Granvelle6, qui témoignent de cette influence flamande.
La Franche-Comté n'a jamais été hispanisée
Sous le règne de Charles Quint, de Philippe II, puis de sa fille Isabelle, il n'y a pas eu de guerre sur le sol comtois. Paysans, artisans et ouvriers bénéficiaient d'un niveau de vie relativement élevé. Les maisons campagnardes ordinaires étaient cossues. On portait des souliers et non des sabots. Le bétail abondait. « Des factures montrent que, quand les armées amies empruntaient les routes de la région, les villages fournissaient sans difficultés de la viande pour 8 000 hommes », raconte Paul Delsalle. Après avoir compulsé les archives des péages pour retracer le parcours de certaines marchandises, cet historien a constaté qu'à l'époque, on s'approvisionnait beaucoup hors de la région. On faisait venir des maquereaux, des harengs, des seiches ou du marsouin, par chariots entiers, pour le carême, alors que les eaux locales regorgeaient de poissons d'eau douce. Les épices : sucre des Canaries, safran d'Inde, cannelle et girofle d'Indonésie, étaient en vente même dans les villages. De nombreux bateaux parcouraient le Doubs et formaient des embouteillages sur la Saône. L'industrie était développée. On surexploitait la forêt, pour les forges mais aussi pour l'extraction du sel. Salins, deuxième ville d'importance en Franche-Comté, procurait à elle seule la moitié des ressources financières de l'Etat. Pour alimenter les gigantesques chaudières de l'usine, 3 500 personnes travaillaient dans les bois, réservés pour ce seul usage à 30 kilomètres à la ronde. C'était une période de prospérité. Elle a pris fin avec la Guerre de trente ans qui a ravagé la région et pendant laquelle de nombreuses villes et villages ont été rasés.
- Les Pays Bas étaient alors beaucoup plus étendus qu'aujourd'hui. Ils englobaient les actuels : Hollande, Luxembourg, Belgique, Flandres, Artois, régions Nord-Pas de Calais, Bourgogne, Franche-Comté, ainsi qu'une partie de la Lorraine.
- « Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l'air qui vole,
Naquit d'un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ».
Citation extraite du poème Ce siècle avait deux ans de Victor Hugo tiré du recueil Les Feuilles d'automne (1830) - D'où son nom “Comté de Bourgogne”
- La ville de Besançon a connu une situation particulière puisqu'il s'agissait d'une ville-état autonome, qui, pour quelques années seulement, a été échangée contre une ville espagnole, mais elle n'a pas subi d'influence hispanique.
- Liège était l'un des principaux centres industriel en métallurgie
- C'est un architecte flamand du nom de Van Hoyen qui a bâti le Palais Granvelle.
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Paul Delsalle
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Laboratoire chrono-environnement
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