Les nanovoitures font la course
Après la course de caisses à savon, les « Fous du volant » Satanas et Diabolo, et la Formule 1, voici venu le temps d’un nouveau type de compétition : la NanoCar Race ou course de molécules-voitures.
Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le Centre d’élaboration de matériaux et d’études structurales (CEMES) organisent la première course internationale de nanovoitures. Les cinq équipes en lice sont française, allemande, japonaise, américaine et américano-autrichienne et s'affronteront à Toulouse au mois d'octobre. La nanovoiture française sera sponsorisée par le groupe PSA Peugeot-Citroën, qui annoncera cette nouvelle le 24 mars lors du Forum des microscopies à sonde locale. Organisé par l’institut FEMTO-ST à Sochaux du 21 au 25 mars, ce forum regroupe l’ensemble des spécialistes francophones des nanosciences. C’est Christian Joachim, médaille d’argent du CNRS, qui fera une présentation de la NanoRace Car, en présence de Sylvain Allano, directeur scientifique et technologies futures chez PSA Peugeot Citroën, et Yvan Lambert, directeur de PSA Sochaux. À cette occasion, des étudiants en DUT Mesures physiques de l’IUT Belfort-Montbéliard leur remettront la représentation 3D de la nanovoiture française fabriquée au « fab lab » du Pavillon des sciences à Montbéliard.
L’aventure de la NanoRace car a démarré en novembre 2015 et les écuries de chercheurs ont jusqu’au mois d’octobre pour créer et mettre à l’épreuve leur bolide microscopique. Un an pour préparer une course de voitures qui mesurent quelques nanomètres1 ? Une pomme serait-elle tombée sur la tête de ces éminents chercheurs ? Ils sont bien sûr très sérieux (mais dotés d’un certain humour). Pour créer leur véhicule, il leur faut d’abord synthétiser les molécules, ce qui peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années : « Ce sont des structures très complexes qu’on ne retrouve pas à l’état naturel », explique Frank Palmino, responsable du groupe nanosciences à l’Institut FEMTO-ST et directeur-adjoint de l’IUT Belfort-Montbéliard. Complexe en effet, puisqu’elles sont constituées de 800 atomes et qu'il faudrait plusieurs pages recto-verso pour écrire leur nom. « La poudre créée doit ensuite être sublimée afin qu’au moins une molécule puisse atteindre la surface, c’est-à-dire le circuit de course, et puisse être pilotée. » Les chercheurs doivent aussi fabriquer le nanocircuit : « C’est une surface métallique, poursuit l’enseignant-chercheur, constituée d’atomes d’or, cristalline, sous vide, à 4 degrés Kelvin, soit – 270 °C, et mesurant moins de 60 nanomètres. » La dernière étape consiste à déposer la molécule sur le circuit.
Déplacement contrôlé de la matière
Pour pouvoir se déplacer sur le parcours, les nanovoitures doivent d'abord être mises en mouvement. Pour cela, elles peuvent être poussées par la pointe d’un microscope à effet tunnel. Plus difficile, le mouvement peut aussi être produit par l’excitation de la molécule par des électrons inélastiques, donc sans contact. Et ces nanocars peuvent avoir des roues carrées ou triangulaires, voire pas de roues ! « La forme de la "roue" entre en jeu mais les atomes qui la constituent aussi : les deux sont importants pour créer des interactions entre la molécule et la surface sur laquelle est déposée », précise Frank Palmino.
Il s’agit donc d’inventer, de créer des molécules pour obtenir une fonction précise – le déplacement –, car les molécules naturelles ne sont pas forcément de « bonnes » nanovoitures. « Le but de la course est d’attirer le regard du grand public sur les ce qui peut être fait à l’échelle nanométrique et qui va révolutionner, par exemple, le domaine de la santé ou de l’industrie. »
Du point de vue de la recherche, l'objectif est de savoir s’il est possible de synthétiser ce genre de voiture, si la molécule synthétisée va fonctionner, mais aussi de tester quel mode est le plus susceptible de déplacer de la matière, par exemple, un jour, dans le corps humain : « Dans les labos, on a tous joué avec des moteurs ou des petites voitures moléculaires pour comprendre des problèmes physiques de déplacement, de glissement, de transport de matière à l’échelle nanométrique : pour construire des nano-objets complexes, il faut apporter de la matière, et la déplacer d’un point A à un point B pour l’agglomérer. » Les nanosciences et les nanotechnologies permettront de « construire des circuits électroniques atome par atome, ce qui minimisera l’utilisation des matières premières. » Un bon point pour le développement durable.
Quant à la course, elle ne sera pas visible à l’œil nu mais grâce à un microscope à effet tunnel qui permet de « voir », image après image, le circuit et les nanovoitures. Des bolides qui se déplacent à plusieurs kilomètres par seconde, soit plus vite qu’un Airbus.
- Un nanomètre est égal à un milliardième de mètre (10-9).