En ligne directe avec le cerveau émotionnel
Au laboratoire de neurosciences, on analyse l'odorat et ses relations particulières avec nos émotions.
L’odorat est une modalité sensorielle unique pour ce qui est de ses liens avec les émotions et les affects. Les voies olfactives sont en effet directement reliées au système limbique, où se construisent pour une grande part nos émotions et notre mémoire. Les informations transmises par les autres organes sensoriels sont, elles, dirigées vers le thalamus qui assure un rôle de relais et d’aiguillage en direction du cortex cérébral pour analyse.
C’est donc la spécificité anatomo-fonctionnelle de l’olfaction qui provoque notre réaction spontanée à une odeur, qu’elle soit agréable ou non, et nous donne la capacité de la relier à notre mémoire de façon instantanée. « Cette lavande, ça sent bon ! Ça me rappelle la Provence » est une assertion qui se passe d’examen et se lance comme une évidence.
Au laboratoire de neurosciences de l’université de Franche-Comté, Jean-Louis Millot travaille depuis plusieurs années à comprendre les mécanismes liés à l’odorat. Les travaux qu’il dirige ont par exemple démontré qu’un ressenti peut être modifié par un environnement agréablement odorant, ce qui se traduit directement et inconsciemment par une modification du timbre de voix.
Ou encore que, contre toute attente, les personnes souffrant de dépression surévaluent le caractère agréable des odeurs, un résultat contre intuitif qui pourrait s’expliquer par une anomalie de fonctionnement du cortex préfrontal, responsable de l’exacerbation des ressentis chez ces personnes, dans un sens comme dans l’autre. « Nous avons pu aussi constater qu’une odeur ambiante influence notre mémoire à long terme. » Des sujets à qui l’on avait demandé de regarder des couleurs sur différentes images, pour certaines en association avec une odeur de vanille, devaient identifier quinze jours plus tard les images déjà vues parmi une nouvelle sélection d’images, l’expérience se déroulant sous contrôle IRM.
« On ne se souvient pas mieux des images vues lorsqu’elles sont associées à l’odeur de vanille. En revanche, les zones cérébrales activées ne sont pas les mêmes, une partie du cortex olfactif est réactivée comme lors de la première étape, ce qui démontre que l’environnement olfactif a été pris en compte par le cerveau. » Des travaux récents montrent qu’il est possible de modifier de façon volontaire les émotions que nous associons à une odeur. « Le cortex préfrontal est celui qui s’est le plus développé au cours de l’évolution humaine. C’est lui qui régule les émotions, et il joue dans cette expérience un rôle fondamental. »
Ces études scientifiques permettent d’approcher d’un peu plus près le fonctionnement du cerveau, et d’améliorer la connaissance de sa plasticité comme de ses dysfonctionnements.
Article paru dans le dossier « Nos sens en tous sens » du journal en direct no 260 de septembre-octobre 2015.