Hommage à un grand linguiste
Une plaque commémorative en l'honneur de Jean Peytard a été installée dans une cour de la faculté des lettres pour témoigner de l’importance des activités de cet éminent chercheur en sciences du langage.
Jean Peytard est né en 1924 à La Mure. Agrégé de grammaire en 1952, il a d’abord travaillé à l’école normale de Mâcon jusqu’en 1962, avant de rejoindre la faculté des lettres de Besançon – actuelle UFR SLHS – où il a été nommé professeur en 1971. Il a enseigné jusqu’à la fin de sa carrière en 1992 dans cet établissement qui lui doit en grande partie le développement de sa section de linguistique française et de philologie. Il existe en effet depuis longtemps à l’UFR SHLS un cursus complet en sciences du langage qui commence dès la première année de licence, alors que dans beaucoup d’universités, ces disciplines sont d’abord une option dans des cursus de lettres. Jean Peytard a également été le cofondateur de centres de recherches sur la linguistique et l’enseignement du français — le CRELEF et le GRELIS — qui ont préfiguré l’actuel laboratoire ELLIADD.
Titulaire de deux thèses, l’une sur la préfixation du français moderne et l’autre sur les variations de la ponctuation dans les chants de Maldoror de Lautréamont, il ne se réclamait pas d’un courant scientifique particulier. « C’était quelqu’un de très ouvert avec beaucoup de curiosité pour tout ce qui touche à la langue », souligne Mongi Mandini, l’un de ses collègues et anciens étudiants.
Alors qu’il pratiquait au départ une linguistique focalisée sur les aspects structuraux du langage, Jean Peytard s’est ensuite intéressé à toutes les formes de discours (littéraire, scientifique, médiatique…) et même à l’image. Cette façon globale d’appréhender le discours est encore à l’heure actuelle l’une des caractéristiques des recherches menées au laboratoire ELLIADD et des formations qui y sont associées. On lui doit notamment des travaux sur l’altération, c’est-à-dire une analyse de ce que devient le sens quand on passe d’un système sémiotique à un autre, par exemple lors de l’adaptation d’un roman au cinéma.
Faire dialoguer les disciplines
Ce chercheur menait une réflexion linguistique très ouverte au dialogue avec d’autres disciplines comme la psychologie, l’anthropologie et la sociologie. « Il a exploré de nombreux champs et ouvert de nouvelles voies... La linguistique est une discipline qui a beaucoup évolué. Il a suivi ces évolutions. C’était quelqu’un qui consacrait beaucoup de temps au partage de connaissances avec ses étudiants et ses collègues », raconte Andrée Chauvin-Vileno, enseignante à l’UFR SLHS et chercheuse au laboratoire ELLIADD.
Il se faisait d’ailleurs un devoir de relier la recherche fondamentale à l’enseignement et se montrait particulièrement intéressé par les questions relatives à la didactique du français. Il a été le coauteur de deux ouvrages : Linguistique et enseignement du français, publié chez Larousse en 1969 et Discours et enseignement du français, chez Hachette en 1991, qui ont été beaucoup utilisés pour la formation des enseignants à l’école et au collège.
Jean Peytard a dirigé une centaine de thèses, un véritable record d’autant plus que, d’après ses anciens étudiants, il était très présent, à la fois bienveillant et exigeant. « Il avait une forte personnalité mais n’était pas dogmatique. Il n’exigeait pas une affiliation à une école de pensée. En ce sens il était très moderne», remarque Andrée Chauvin, qui fut l’une de ses doctorantes. Pourtant, beaucoup de chercheurs l’ont considéré comme un chef de file et ses successeurs forment aujourd’hui un réseau actif.
Les membres du laboratoire ELLIADD ont voulu rendre hommage à ce collègue décédé en 1999, d’abord à travers un double colloque organisé en 2012, à la fois à Besançon et à Mariana au Brésil, un pays où, à l’instar des États-Unis, Jean Peytard avait développé des collaborations scientifiques durables. Ensuite, au moment de la parution des actes de ce colloque, une plaque commémorative a été apposée dans la cour de l’UFR SLHS au 18 rue Chifflet. Cette plaque a été inaugurée le 16 décembre, au cours d’une petite cérémonie.