René Frégni, parcours d'un écrivain épris de liberté
Récit d’une rencontre riche en partage et pleine de poésie avec l’auteur René Frégni, à l’IUT Besançon-Vesoul.
Le romancier marseillais René Frégni1 était à l'IUT de Besançon-Vesoul, le 27 novembre, pour rencontrer les étudiants de première année du département Information-Communication, dans le cadre des Petites Fugues, festival littéraire organisé par le centre régional du livre de Franche-Comté. Pendant près de deux heures, l'écrivain a abordé la question de l'écriture en lien avec sa vie.
Son rapport à la littérature n'a pas été simple. Petit, l’auteur faisait l’école buissonnière car, en classe, il subissait les moqueries des autres enfants à cause de ses lunettes, qu’il a décidé un jour de jeter. Il n’a plus vu alors que de simples taches, qui représentaient pour lui la réalité du monde. C'est ainsi qu'il explique son style très imagé : même aujourd’hui, lorsqu’il enlève ses lunettes, il est « couvert de métaphores ».
Adolescent puis jeune adulte, l’auteur était aventurier et voyageur, se promenant dans toute l’Europe en stop jusqu’à Istanbul. À 19 ans, convoqué pour faire son service militaire, il est obligé d’arrêter son périple et doit rentrer en France. Mais il arrive devant la caserne avec deux mois de retard. Considéré comme déserteur, il doit effectuer six mois de prison. Premier contact avec le monde carcéral.
La prison est pour lui un espace et un temps qui ont changé sa vie. C’est à cette période qu’il a commencé à lire, pour essayer d’oublier où il se trouvait et pour entrer dans son monde, se créer sa petite bulle d’évasion et de bonheur. En prison, il y a beaucoup de bruit, explique-t-il, ce qu’on ne pourrait soupçonner quand on ne l’a pas vécu : trousseaux de clés secoués, bagarres, gardiens tapant sur tous les barreaux pour vérifier qu’ils ne sont pas coupés… C'est dans ce contexte inhospitalier qu'il a rencontré l'écriture car, pendant qu'il écrivait, il n’entendait que le bruit de ses propres mots. René Frégni insiste sur le fait que l'écriture et la lecture – de Jean Giono en particulier – rendent libres.
Pour résister à la folie en prison, il s’est aussi créé une femme imaginaire, dont il était amoureux. Il lui a écrit des poèmes à ses heures perdues. Ce sont ces petites poésies qui lui ont permis de devenir l’auteur qu’il est aujourd’hui.
Plus tard, René Frégni a travaillé dans un autre univers où l'enfermement prime : l'hôpital psychiatrique. Infirmier, il tenait le cahier de rapports de l’hôpital. Dans ce journal, il décrivait les situations quotidiennes des malades, des plus banales aux plus folles. C'est ainsi qu'au fil des jours, son style s’est amélioré.
Ce qu'il aime dans l’écriture, c’est qu’il n’y a pas qu’une seule histoire, celle écrite par l'auteur dans son livre, mais de nombreuses histoires possibles, autant que de lecteurs. Aujourd’hui, l’auteur a fait de sa vie un roman. Comme il le dit si bien, il « trempe sa plume dans la vie pour écrire ». Il visite d’ailleurs des prisons où il anime des ateliers d'écriture pour essayer d'encourager les détenus à écrire leurs pensées, afin qu’ils se délivrent un peu de l'enfermement. À la question « Monsieur Frégni, auriez-vous pu devenir un truand ? », il répond très simplement par la négative, car « la violence vient du manque de mots ». Les mots… C'est justement ce qu'il apporte dans les prisons.