zombie
B. Lanterne
Auteur 
Delphine Gosset

Les zombies plaisent aussi aux chercheurs

Les zombies seront à l'honneur d'une journée de conférences le 26 mai à l'U-Sports. En laissant s'exprimer des chercheurs de tous horizons autour de ce mythe, les organisateurs montrent que la science s'attaque aussi à des sujets ludiques.

Depuis plusieurs dizaines d'années, le succès des zombies dans l'imaginaire populaire ne se dément pas. Ces personnages ne fascinent pas seulement les fans de fictions de tous types (cinéma, séries, romans, BD, jeux...), ils intéressent aussi les scientifiques. Audrey Tuaillon Demésy et Sidney Grosprêtre, deux jeunes enseignants-chercheurs à l'U-Sports et au laboratoire C3S, ont décidé de leur consacrer une journée de conférences. « L'idée nous est venue à la lecture d'un article scientifique qui prenait l'exemple d'une invasion de zombies pour exposer un modèle mathématique en épidémiologie », raconte Sidney Grosprêtre. Audrey Tuaillon-Demesy poursuit : « Nous avons contacté différents chercheurs qui s'étaient déjà penchés sur ce thème. L'objectif était de croiser les disciplines, comme nous le faisons dans notre laboratoire1. On parlera de biologie, de philosophie, de géographie, de neurosciences, de littérature... »

Un phénomène plausible ?

Le mythe du zombie provient à la fois des personnages imaginaires de revenants du Moyen-âge et de faits réels liés à la culture vaudou. À Haïti, le zombie était la victime d'un sorcier qui l'avait « ramené à la vie » pour en faire son esclave. En réalité, ces personnes étaient sous l'emprise de diverses drogues : l'une ralentissant les fonctions vitales au point de simuler la mort, les autres agissant comme antidote et pour modifier l'état de conscience. Simple mort-vivant à l'origine, le personnage du zombie a évolué ensuite pour devenir la victime d'une contamination ou d'une épidémie, faisant écho aux préoccupations d'une époque.

Un virus zombie pourrait-il vraiment exister ? Sébastien Causse, chercheur en biologie moléculaire, s'interrogera sur cette possibilité, après avoir expliqué différents phénomènes naturels capables d'accroître l'aggressivité, la faim, ou encore les mouvements post-mortem. Sidney Grosprêtre expliquera que marcher sans tête ne relève pas totalement de la fiction, puisque les mécanismes réflexes qui commandent la marche sont gérés au niveau de la moelle épinière. Fabien Perrin, spécialiste des neurosciences, s'interrogera sur la conscience des zombies, en rappelant que certaines fonctions intellectuelles complexes peuvent être préservées quand on est endormi ou dans le coma.

Les zombies ont été popularisés au cinéma par Georges Romero, avec La Nuit des morts-vivants et les longs métrages qui ont suivi. Adrienne Boutang, enseignante-chercheuse à l'UFR SLHS2 et au CRIT3, montrera comment ce réalisateur a réinventé la gestuelle du zombie en transformant la figure inquiétante et plutôt digne des premiers films en un personnage difforme, maladroit et, bien qu'effrayant, potentiellement comique. Laurent Di Filippo, chercheur en sciences de l'information et de la communication, parlera du zombie dans les jeux de rôles et des liens existant entre cultures, imaginaire et monde social.

Une figure sociopolitique

Ces personnages fantastiques sont, dans une certaine mesure, proches de l'humain et de ce qu'il renferme comme pulsions, selon le philosophe Hugo Clémot. La plupart du temps, ils évoluent dans un environnement moderne. « Les zombies offrent des lectures multiples mais toujours profondément ancrées dans un terrain  sociopolitique. Le zombie occidental est une créature urbaine, déclare Alfonso Pinto. Dans les films de Georges Romero, on retrouve plusieurs problématiques qui hantent la métropole américaine de la fin du XXe siècle : fragmentation, gentrification, ghettoïsation, entre-soi, fermeture de l'espace public. » Pour ce géographe, les films de zombies permettent de s'interroger sur la façon dont la ville et l'espace sont réinterprétés quand il n'y a plus de structure. « Les films de morts-vivants prennent acte des contradictions internes aux sociétés occidentales, et en particularité des inégalités économiques et des notions identitaires », écrit Manouk Borzakian. Ses travaux portent sur les imaginaires géographiques véhiculés par le cinéma. Clémentine Hougue, spécialiste en littérature comparée, affirme que le zombie « en faisant table rase de toute civilisation, permet de transformer la science-fiction en véritable laboratoire du politique, en espace d'expérimentation des rapports de pouvoir. Certaines œuvres modélisent l'organisation de la cité après la fin du monde et interrogent les valeurs et limites des systèmes politiques actuels ». Elle constate cependant qu'à l'heure actuelle, la figure du zombie tend à se dépolitiser.

Tous ces chercheurs seront présents le 26 mai, dans les locaux de l'U-Sports, pour une série de conférences qui s'inscriront dans le cadre du festival Ludinam. Cet évènement sur la culture ludique organisé par un groupement associatif s'installera, entre autres lieux, sur le campus de la Bouloie avec notamment des ateliers sur le jeu à la Fabrikà sciences et à la Maison des étudiants (cf. évènement en lien ci-dessous).

  1. Dans le laboratoire Culture, sport, santé, société (C3S), des enseignants-chercheurs en STAPS, historiens, des sociologues, des ethnologues, des biologistes et des physiologistes travaillent ensemble autour de thématiques transversales.
  2. UFR Sciences du langage, de l'homme et de la société (SLHS)
  3. Centre de recherches interdisciplinaires et transculturelles (CRIT)

Contact

Laboratoire C3S – Culture, sport, santé, société

Portrait de Sidney Grosprêtre et Audrey Tuaillon Demésy

Articles relatifs