Mathieu Doubs en train de travailler sur le moteur Energine.
Ludovic Godard
Auteur 
Delphine Gosset

Un nouveau souffle pour le moteur à air chaud

Le moteur Ericsson a été remis au goût du jour avec le projet Energine qui a reçu le Grand Prix national de l’ingénierie. Un premier prototype a été construit par un doctorant de l'institut FEMTO-ST, dans le cadre d'une collaboration avec l'entreprise Assystem.

Au département Énergie de l’institut FEMTO-ST, François Lanzetta et son équipe s’intéressent aux moteurs dits « à air chaud », ou moteurs à apport de chaleur externe (MACE). Ces engins dont l’invention date du début du XIXe siècle ont été relativement abandonnés au profit des moteurs à explosion (ou moteurs à combustion interne) dont ils ont été les précurseurs. Aujourd’hui, on redécouvre leurs avantages : ils sont moins bruyants, moins polluants et permettent éventuellement de se passer de pétrole. D’abord intéressés par le moteur Stirling, les chercheurs de FEMTO-ST se penchent depuis quelques années sur l’un de ses cousins : le moteur Ericsson. Ils ont été contactés par le bureau d’études belfortain de l’entreprise Assystem dont le projet était de concevoir une machine de type Ericsson qui bénéficie des avancées technologiques actuelles en matière de motorisation. Cette collaboration s’est concrétisée dans le cadre d’une thèse CIFRE1 entamée en 2012. Le doctorant Mathieu Doubs a eu trois ans pour mettre au point un prototype, sur la base d’une conception réalisée par les ingénieurs d’Assystem. L’idée est la suivante : utiliser la chaleur perdue des fumées des usines pour la transformer à la fois en électricité et en chauffage. On parle alors de cogénération pour désigner la production deux types d'énergie par un même système.

Ce nouveau moteur baptisé Energine fonctionne grâce à un échangeur qui récupère l’énergie thermique de ces fumées afin de chauffer de l’air. Les variations du volume de cet air, sous l’effet de la chaleur, actionnent deux soufflets métalliques : l’un pour la compression, l’autre pour la détente. Ces soufflets métalliques remplacent les traditionnels systèmes de piston et de cylindre utilisés dans les moteurs. Leur avantage est de garantir une parfaite étanchéité tout en permettant de se passer de lubrifiant potentiellement polluant. Le passage de l’air chaud dans les soufflets permet donc la transformation de l’énergie thermique en énergie mécanique. Celle-ci est ensuite convertie en électricité par un alternateur. L’air chaud résiduel peut être utilisé pour du chauffage.

Cylindrée variable

Un système de capteurs et de soupapes contrôlées par des électrovannes permet de réguler l’activité du moteur. En faisant varier la cylindrée, on conserve un rendement optimum quelle que soit la puissance développée. « Cela n’est pas possible avec les moteurs à explosion, remarque Thibaut Cartigny, responsable du bureau d’études mécaniques de l’entreprise Assystem. D’ailleurs, il y a une dizaine d’années, la technologie qui nous permet de mettre en place cette régulation en temps réel n’existait pas. » « Ce moteur sera relativement simple à construire, renchérit Mathieu Doubs. Il ne sera donc pas réservé aux pays les plus développés. Nous avons également pris soin de choisir des matériaux recyclables pour que son impact environnemental soit minimal. »

Le moteur Energine pourra être intégré dans des containers attenants aux usines pour produire de l’électricité et chauffer des bâtiments. Si le projet cible les industries à forts rejets thermiques – sidérurgie, verrerie, cimenterie, métallurgie… –, de tels moteurs peuvent fonctionner avec n'importe quelle source de chaleur. Ils peuvent être couplés aux chaudières des maisons, ou même aux pots d’échappements des camions pour fournir une assistance mécanique au véhicule et ainsi réduire sa consommation de carburant. « Il est également possible de faire de la trigénération, c’est-à-dire de produire non seulement de la chaleur et de l’électricité, mais aussi du froid », ajoute François Lanzetta.

Ce projet s’est vu attribuer le Grand Prix national de l’ingénierie en octobre 2015. Son procédé, et en particulier l’utilisation de soufflets métalliques qui fait son originalité, ont été brevetés. L’étude de marché s’étant révélée prometteuse, la création d'une start-up est envisagée pour industrialiser et commercialiser le produit. 

Mathieu Doubs, qui termine la rédaction de sa thèse, est déjà embauché chez Assystem. C’est Pierre Ranc, un nouveau doctorant, qui va prendre le relais pour continuer à développer le projet.

Voir la vidéo sur le grand prix national de l'ingénierie attribué au projet Energine.

Voir une infographie sur les applications du moteur Energine.

  1. L’entreprise Assystem est une société d’ingénierie de 12 000 collaborateurs qui dispose d’une antenne à Belfort.
  2. Le grand prix national de l’ingénierie est délivré par le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, (Conseil général de l’environnement et du Développement durable - CGEDD), le ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique (Direction générale des Entreprises – DGE) et le ministère du Logement, de l’Égalité des Territoires et de la Ruralité, en partenariat avec Syntec-Ingénierie et en association avec le groupe Le Moniteur. Il a été décerné au projet Energine le 14 octobre 2015.

Contact

Assystem
http://www.assystem.com/fr/accueil.html

François Lanzetta
Département Energie
Institut FEMTO-ST
03 84 57 82 24
francois.lanzetta@univ-fcomte.fr

FEMTO-ST

Mathieu Doubs en train de travailler sur le moteur Energine.
Pierre Ranc et Mathieu Doubs en train de travailler sur un prototype de moteur.
Pierre Ranc, Thibaut Cartigny, François Lanzetta et Mathieu Doubs devant le prototype.
Un banc de montage avec le prototype de moteur Ericsson
gros plan sur le prototype de moteur energine
Un vieux modèle de moteur Ericson

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