Un nouveau modèle économique pour la publication scientifique ?
Qu’est-ce qu’un accord dit transformant ?
Un nouveau type de contrat entre les éditeurs et les établissements d’enseignement et de recherche, dit « accord transformant », s’installe progressivement dans le paysage de l’édition scientifique. Sous l’impulsion des politiques publiques européennes et nationales et sous la pression de la société civile et de la communauté scientifique, les éditeurs sont poussés à faire évoluer leurs offres pour répondre à la nécessité d’une science plus ouverte.
L’enjeu de ces accords est le passage d’un modèle économique qui rémunère les éditeurs pour l’accès aux contenus (abonnement) à un modèle économique qui les rémunère pour un service de publication en accès ouvert, c’est-à-dire sous forme numérique, gratuite et dans le respect du droit d’auteur.
Il existe en France quelques accords de ce type, négociés par le consortium Couperin avec des éditeurs internationaux, comme Wiley, Cambridge ou PLoS. Le plan de soutien à l’édition scientifique française a pour sa part permis l’émergence de modèles économiques favorisant l’accès ouvert immédiat pour trois éditeurs français, Cairn, OpenEdition et EDP Sciences.
Accord 2024-2027 avec Elsevier
Un des derniers accords en date est celui conclu pour une durée de 4 ans avec l’emblématique éditeur néerlandais Elsevier, signé par l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur le 30 avril dernier. Il est le résultat d’une année de négociation menée par le consortium Couperin et de plusieurs mois de contractualisation.
Cet accord intervient dans un contexte spécifique : la France publie en effet 5% d’articles en plus que les autres pays chez Elsevier. De ce déséquilibre résulte une dépendance plus forte du pays aux contenus publiés chez l’éditeur. C’est particulièrement vrai pour les sciences médicales et sciences du vivant. L’utilisation de la plateforme Science Direct, en hausse en France comme dans notre université (+ 35 % de 2020 à 2022) traduit le besoin d’accès aux résultats de recherche publiés chez Elsevier.
Cet accord, soutenu par le Ministère de l'enseignement supérieur, comporte un volet classique de lecture, avec l'accès complet à la collection Freedom (incluant 5 titres Lancet), la Bibliothèque Médicale Français et les 5 titres des JACC (Journals of the American College of Cardiology).
Mais la principale nouveauté est qu’il comprend un volet publication permettant de publier directement en libre accès, sans payer d’Article Processing Charge (APC) et sans embargo. Cette possibilité concerne un périmètre distinct de revues, dans une limite définie au niveau national de 11 000 articles par an.
En tant que membre du consortium Couperin, l’université de Franche-Comté bénéfice donc de cet accord d’un montant annuel de 33 millions d’euros, souscrit pour 241 établissements français. Il concerne également le CHRU de Besançon, compris dans le périmètre grâce à une convention liant les deux établissements. Le volet publication de l’accord peut générer quelques inquiétudes dans la communauté scientifique : on peut craindre d’une part un dépassement du seuil fixé au niveau national ainsi qu’un effet d’aubaine, qui provoquerait une inflation de la publication chez Elsevier et donc une dépendance accrue.
Bonnes pratiques de publication
Il convient donc de rester vigilant : le stock d’articles, évalué sur un pic de publication (en 2021), sera surveillé mensuellement par le consortium Couperin. Les bonnes pratiques de science ouverte restent donc d’actualité. Le dépôt dans HAL, archive ouverte institutionnelle, est une voie parallèle qui permet :
- Une conservation souveraine de la production scientifique française,
- Une indépendance par rapport à l’éditeur.
Pour pouvoir déposer le Manuscrit Auteur Accepté (MMA) dans HAL dès la publication (sans attendre 6 mois – 12 pour les SHS – conformément à la loi pour une république numérique) :
- Apposer une licence CC-BY sur votre manuscrit,
- Informer l’éditeur que les versions ultérieures du manuscrit seront sous licence CC-BY.
Le PDF éditeur peut quant à lui être déposé immédiatement seulement s’il est sous licence CC-BY.
La voie des accords transformants n’est pas donc pas le seul moyen de publier en accès ouvert immédiat. Quand cela est possible, il est préférable de publier dans les revues de type Diamant, revues gratuites pour les auteurs et les lecteurs. Il s’agit de préserver la « bibliodiversité » du paysage éditorial.
En savoir plus :
Accords spécifiques et de science ouverte
Françoise Rousseau-Hans, Emilie Barthet, Christine Weil-Miko, Adeline Rege, Sébastien Perrin, et al.
La négociation d’accords transformants. 2023. hal-04009964
https://hal.science/hal-04009964v1
https://www.couperin.org/category/negociations/accords-specifiques-so/
Accord national Elsevier
https://www.couperin.org/negociations/accords-specifiques-so/elsevier/
Avec décompte mensuel des articles
https://www.elsevier.com/fr-fr/open-access/agreements/france-couperin-consortium
Consulter la liste des revues éligibles à la publication immédiate en Open Access.
https://bu.univ-fcomte.fr/chercheurs/publier-sans-frais/
https://agreements.journals.elsevier.com/couperin
Charte de science ouverte de l’université de Franche-Comté
https://www.univ-fcomte.fr/sites/default/files/CONTENT/documents/charte_science_ouverte.pdf
Guide Mettre en œuvre la stratégie de non-cession des droits.
Catalogue de revues en libre-accès, avec ou sans frais : DOAJ