Marine Deschamps et Christophe Ferrand
Léa Courvoisier
Auteur 
Léa Courvoisier

Marina Deschamps et Christophe Ferrand combattent la leucémie

Depuis une vingtaine d’années, les docteurs Marina Deschamps et Christophe Ferrand forment un duo de chercheurs à l’Établissement Français du Sang (EFS) à Besançon. Ils sont en charge des programmes d’immunothérapie cellulaire contre le cancer, essentiellement pour combattre la leucémie. Ils font également partie de l’équipe INSERM RIGHT U1098, réunissant l’EFS, l’INSERM et l’université de Franche-Comté. Christophe Ferrand est aussi responsable de laboratoire d’onco-hématologie moléculaire.

Élaborer un traitement contre la leucémie

C’est en revenant d’un congrès avec un collègue clinicien, qu’ils ont eu l’idée de cibler la cellule souche leucémique, cellule responsable du développement de la leucémie, grâce à un traitement novateur.

Le médicament innovant qu’ils ont développé s’appelle CAR T-Cells (Chimeric Antigen Receptor). Il est conçu sur la base d’un globule blanc (lymphocyte T) prélevé chez le patient. Ce globule blanc est ensuite génétiquement modifié en laboratoire. Les "supers" globules blancs, armés, qui en ressortent agissent comme des "radars" : ils reconnaissent la cellule souche leucémique pour la tuer.

Le traitement est puissant et spécifique puisque pour la première fois, ils ont démontré qu’il est possible de cibler la molécule IL-1RAP (Interleukine-1 Receptor Accessory Protein), une prouesse qui n’avait encore jamais été réalisée. Ce médicament innovant répond aux besoins de leucémies encore non couvertes sur le plan du traitement médical.

L’avantage de ce médicament

"Le médicament est vivant ! Il est dynamique et va proliférer au sein du receveur (= le patient) jusqu’à détruire toute la leucémie. Il revient ensuite à un état de mémoire, c’est-à-dire qu’il va persister vivant chez le patient et va être en capacité de surveiller et contrôler la survenue de la leucémie, si elle venait à réapparaitre. Le médicament apporte de nouvelles armes et de nouvelles compétences au système immunitaire pour se défendre".

Ces types de médicaments (les CAR-T) ont déjà fait leurs preuves dans d’autres applications, en particulier aux Etats-Unis et en Chine. Aujourd’hui, 5 CAR-T sont sur le marché, commercialisés par de grandes firmes pharmaceutiques, pour traiter d’autres types de leucémie.

Un environnement propice à la recherche

Partis d’une feuille blanche, Marina et Christophe ont imaginé et développé ce médicament assez rapidement grâce à leurs expériences cumulées en thérapie cellulaire et génique, à leur équipe et surtout grâce à l’environnement propice dans lequel ils évoluent : l’EFS, l’unité de l’université et l’UMR 1098 RIGHT. C'est sur leurs travaux que s'appuie une partie de l'expertise de l'unité de recherche, ce qui a également permis de développer d'autres approches d'immunothérapie cellulaire.

Développer un médicament : un processus de plus de dix ans !

1 : la phase de recherche

Ils ont entamé les travaux par une phase de recherche. En sept ans, ils ont alors prouvé la faisabilité de leur procédé (appelé preuve de concept) qui se construit en plusieurs étapes. D’abord par une démonstration in-vitro en laboratoire, puis en travaillant avec des cellules issues de patients. Pour finir, ils ont testé le dispositif sur des souris qui ont guéri de la leucémie grâce au traitement.

Ce travail a conduit à plusieurs publications et communications dans des congrès internationaux et leur a valu différents prix : Laurette Fugain de la société française d’Hématologie, Une des avancées Majeures de l’INSERM 2019, nomination au prix Galien 2019 et aux dépôts à l’international de 2 brevets.

2 : l’étape préclinique

C’est une étape clé de « mise à l’échelle » et de « mise en conformité réglementaire » du médicament. Cela consiste à adapter le procédé médical pour passer de l’expérimentation sur souris à des procédés adaptés à traiter l’Homme.

3 : l’étape finale

Aujourd’hui, Marina et Christophe travaillent à l’élaboration de l’étape finale. À ce stade, ils devront présenter les résultats obtenus à l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) pour évaluation du dispositif et pour y déposer une demande d’autorisation de lancement de l’essai clinique (= étape rassemblant toutes les conditions cliniques, "comme en vrai"). Il leur faudra démontrer que le traitement est faisable, qu’il fonctionne et surtout qu’il est non toxique pour le patient.

Amener l’innovation scientifique vers le patient

En démontrant le succès de leur recherche, le duo, issu de l’univers académique, a entièrement rempli sa mission. Mais ils ne comptent pas en rester là : leur équipe et l’EFS partagent la même vision et souhaitent amener le service clinique au patient. Autrement dit, ils veulent faire sortir l’innovation scientifique des laboratoires en développant leur médicament afin de couvrir des besoins médicaux et donner aux patients un nouvel espoir de guérison !  

Pour cela, il est nécessaire de déposer un brevet, afin de sécuriser les industriels et permettre à leur recherche de voir le jour. Accompagner par l’EFS, les chercheurs en ont déposé deux, l’un en 2019 et l’autre en 2020.

La naissance de CanCell Therapeutics

Le changement d’échelle s’applique à l’étape préclinique mais aussi aux besoins de financement. En effet, les chercheurs doivent mener le projet en conditions pharmaceutiques, médicales, cliniques, de manière sécurisée, qualifiée, contrôlée, etc.  Et ces dispositifs coûtent très cher.

Les financements publics ne sont aujourd’hui pas en capacité d’accompagner un tel projet, c’est pourquoi l’alternative de créer une Start-Up s’est présentée à eux. "CanCell Therapeutics" a vu le jour le 1er avril 2020 et vise à lever des fonds privés, à intéresser les investisseurs dans le but de réaliser le premier essai clinique utilisant les CAR-T cells ciblant IL-1RAP.

Le lancement des essais cliniques dépendra donc des fonds qui seront récoltés. Pour mener à bien cette étape, ils ont besoin de rassembler entre 5 et 7 millions d’euros. Rappelons que développer un médicament nécessite en moyenne 10 ans.

"C’est frustrant, nous aimerions accélérer le projet pour pouvoir le proposer rapidement aux patients qui sont dans l’attente ". 

L’idéal, selon Christophe Ferrand et Marina Deschamps, serait de créer plus de porosité entre les domaines du privé et du public, afin de mutualiser les champs d’actions, les compétences et les talents de chacun pour agir plus rapidement. "Ce partenariat « public-privé » doit intervenir plus précocement dans les projets de recherche".

Une première mondiale

Marina et Christophe espèrent tous deux pouvoir débuter les premiers essais cliniques chez les patients d’ici un an et demi. Cela représenterait une "first in man", c’est-à-dire "une première chez l’homme" et plus encore, une "first in world", une première mondiale ! Si le projet arrive à terme, le développement du médicament saura écrire une belle histoire pour les patients d’abord et pour la recherche de l’EFS qui met en lumière le potentiel présent dans la région Bourgogne Franche Comté.

 

Un grand merci à Marina Deschamps et Christophe Ferrand d’avoir accordé ce temps d’échange pour l’ACTU de l’université de Franche-Comté. Nous vous souhaitons beaucoup de réussite pour la suite de ce projet ! 

Pour compléter l’article : https://endirect.univ-fcomte.fr/publication/nouvelle-reconnaissance-pour...

Contact

Établissement français du sang | Unité Mixte de Recherche 1098 RIGHT | CanCell Therapeutics

Christophe FERRAND

Marina DESCHAMPS

8 rue du Dr Jean-François Xavier Girod
25020 BESANCON

Tags