L’apparition d’un cancer s’accompagne de la survenue de composés chimiques particuliers, dont certains sont contenus dans l’haleine. Détecter des marqueurs de la maladie grâce à un simple souffle du patient représente une idée originale et surtout efficace pour établir un diagnostic fiable et précoce.
C’est tout l’enjeu de la recherche menée par Jean-Baptiste Sanchez au département Micro- nano- sciences & systèmes de l’Institut Femto-ST, par ailleurs enseignant en chimie à l’université de Franche-Comté. « Nous avons mis au point un dispositif miniaturisé fondé sur la technique de la chromatographie en phase gazeuse, spécifiquement pour la détection du cancer du poumon ». Preuve de concept et prototype à l’appui, le chercheur arrive à l’aboutissement du projet qu’il a engagé voilà quinze ans dans son travail de thèse, et pour lequel il a depuis reçu le soutien de la ville de Besançon et le concours du CNRS. Pas plus grand qu’un mouchoir de poche, le dispositif assure toutes les étapes caractérisant la chromatographie : concentration, séparation et enfin analyse des composés chimiques. L’étude porte sur quatre composés, identifiés grâce aux informations collectées dans la littérature comme marqueurs du cancer du poumon : le toluène, l’orthoxylène, le propanol et le cyclohexane. La première difficulté est de réussir à repérer les molécules voulues, quand l’haleine comporte des centaines de composés chimiques différents, qui plus est à des concentrations très diverses.
« Le dioxyde de carbone, par exemple, est présent dans l’haleine à raison de 40 000 ppm 1, quand le toluène représente 25 ppb 2, un rapport de 1 million à 1 ! » Travailler sur les quatre composés à la fois constitue aussi une prouesse technologique.
Course de composés dans un tube micrométrique
Le protocole technique suit le même cheminement que la chromatographie classique, à toute petite échelle. Dans un préconcentrateur usiné dans du silicium sont déposés soit des zéolithes, soit du charbon actif, qui, grâce à leur porosité, piègent les molécules à température ambiante. Chauffées très rapidement, ces molécules migrent ensuite vers une colonne dont les cinq mètres de longueur sont confinés dans un support de silicium de quelques centimètres carrés. D’une section carrée de 100 µm de côté, cette colonne est tapie d’un dépôt polymère de 100 nm d’épaisseur : en fonction de leurs affinités chimiques avec ce polymère, les composés progressent dans la colonne à des vitesses variables, une opération permettant de les séparer. À l’extrémité de la colonne, un capteur résistif à oxyde métallique enregistre le signal électrique émis par chacune des molécules en fonction de son temps de parcours. C’est de cette façon que le capteur détecte la nature du composé et évalue sa concentration. Hormis le capteur, tous les éléments du dispositif ont été réalisés dans la salle blanche de la plateforme MIMENTO. La recherche, menée en collaboration avec des équipes de l’ICB de Dijon et l’Institut Jean Lamour d’Épinal, est aujourd’hui suffisamment mature pour intéresser le monde industriel.
Le dispositif peut se décliner à plusieurs applications : le biomédical comme on l’a vu, l’environnement, par exemple pour mesurer la qualité de l’air intérieur, ou encore l’agroalimentaire, dans le cadre d’études de vieillissement des aliments.
- ppm : partie par million, soit 1 mg/kg
- ppb : partie par milliard (part per billion), soit 1 µg/kg
Article paru dans le numéro 274 de janvier 2018 du journal en Direct.