Blaise Cendrars, combattant de la Grande Guerre
Enfant terrible de la littérature française dont il a signé quelques-uns des textes fondateurs, Blaise Cendrars ne voulait appartenir à aucune mouvance artistique, échappait à toute catégorisation. Souvent accusé de mystification, il cultivait une écriture où se mêlent la fiction et le réel, remaniant sans fin ses textes pour en donner de nouvelles versions. La Première Guerre mondiale inspira en grande partie son oeuvre, elle qui lui prit son bras d’écriture au cours d’une bataille de tranchées en 1915. Blaise Cendrars ou la légende du légionnaire retrace le parcours du combattant et éclaire l’oeuvre du poète à la lumière de documents d’archives le plus souvent inédits.
Pseudonyme fait de braises et de cendres, Blaise Cendrars est le nom de plume que choisit l’écrivain en 1912. C’est sous le nom de Frédéric Louis Sauser que l’homme naît à La Chaux-de-Fonds en 1887, où il passe les premières années de sa vie. Il fera encore escale en Suisse, à Bâle et à Neuchâtel, entre deux installations à l’étranger imposées par les obligations professionnelles de son père, avant de devenir lui-même un voyageur passionné. Il vit en France lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale. Blaise Cendrars vient de publier La prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France, qui restera son poème le plus célèbre et sera reconnu comme l’un des textes majeurs du XXe siècle. C’était en 1913. L’année suivante, le poète s’efface derrière le combattant. Frédéric Sauser rejoint les lignes françaises comme engagé volontaire. S’il n’écrit pas une seule ligne dans les tranchées, au contraire de nombre de ses contemporains écrivains comme lui, il sera largement inspiré par la Grande Guerre dans son œuvre future.
De mots et de sang
Blaise Cendrars ou la légende du légionnaire montre comment cette tragédie de l’histoire, qui pour Cendrars est marquée par l’amputation de son bras droit, son bras d’écriture, s’imbrique dans l’œuvre de l’écrivain. L’ouvrage est coécrit par Laurent Tatu, professeur d’anatomie à l’université de Franche-Comté et chef du service de pathologies neuromusculaires au CHRU de Besançon, et Julien Bogousslavsky, professeur de neurologie, chef du service de neurologie à la clinique Valmont à Montreux en Suisse. Tous deux sont passionnés par la Grande Guerre, dont ils ont déjà étudié les ravages neurologiques dans La folie au front1, et férus de littérature française.
Le livre raconte la guerre, la vie dans les tranchées, les manœuvres et les décisions militaires, la hargne et la violence des combattants, et le monde de la littérature, la contribution de l’illustration à l’édition, la naissance de l’avant-gardisme, la position des écrivains…, deux univers parallèles se croisant dans une perspective originale. On y côtoie les compagnons d’infortune et les camarades de plume. Les noms de Picasso, Apollinaire, Georges Braque, Matisse, Modigliani, Jean Cocteau, Fernand Léger, Sonia Delaunay et d’autres encore que Cendrars a connus peuplent ses pages. Quant à son œuvre propre, les auteurs considèrent les poèmes et écrits de Blaise Cendrars sur la guerre comme « un travail d’artiste, avec une vision de la guerre dépassant le simple témoignage historique », plutôt que le résultat de mystifications. « Blaise Cendrars n’est pas un intellectuel, mais un poète de l’action, même si celle-ci a parfois été fantasmée… »
Tatu L., Bogousslavsky J., Blaise Cendrars ou la légende du légionnaire, éditions Imago, 2015.
- Tatu L., Bogousslavsky J., La folie au front, éditions Imago, 2012.
Article publié dans le numéro 263 de mars-avril 2016 du journal en direct.
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Laurent Tatu
Laboratoire d’anatomie
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