3 questions à Jérôme Gaillardet, chercheur spécialiste de la zone critique terrestre
Le 16 septembre dernier, l'UFR STGI de l'Université de Franche-Comté s'intéressait à la zone critique de la Terre, à savoir la partie la plus externe de notre planète, celle où nous vivons. Une journée marquée par la conférence organisée par le Département Sciences de la vie et de l'environnement (SVE) et animée par Jérôme Gaillardet, professeur à l'Institut de physique du globe de Paris. Ses travaux de recherche ainsi que son rôle moteur dans la structuration des observatoires de la zone critique en France et à l’étranger lui ont valu la médaille d’argent du CNRS en 2018.
1. Que nous apprend l'étude de la couche externe de notre planète ?
Jérôme Gaillardet : La zone critique, c'est le milieu de vie des hommes sur la Terre. Elle s’étend de la basse atmosphère jusqu’à quelques centaines de mètres sous nos pieds. Sols, rivières, nappes phréatiques, forêts, êtres vivants, mais aussi nos villes composent cette zone propre à notre planète. Son étude est essentielle en cette période de grands changements environnementaux, notamment marquée par la destruction des sols, les changements climatiques et l'urbanisation. Il vaut mieux comprendre comment la zone critique va évoluer quand on sait que 9 milliards d’êtres humains vivront bientôt sur la planète, avec leurs besoins en eau, en énergie et en nourriture. Au Laos, par exemple, dans les collines du sud-est asiatique où un observatoire étudie la zone critique, des paysans ont fait pousser du teck, un arbre tropical, au lieu de la culture traditionnelle de riz. Les arbres se sont très vite développés, ont augmenté considérablement l’érosion des terres et ont provoqué la disparition de la couche cultivable du sol. En perdant leur sol, les paysans se sont retrouvés sans gagne-pain. A terme ils devront quitter leur territoire. Les migrations humaines sont l'une des conséquences de la destruction de la zone critique.
2. Qu'en est-il de l'observation de cette zone terrestre en France ?
Notre pays compte une vingtaine d'observatoires. Y sont effectuées des mesures régulières et des expériences pour comprendre les lois qui contrôlent l’évolution de la zone critique. Dans les Vosges, un observatoire étudie les conséquences de la disparition des pluies acides, une catastrophe écologique qui a touché la forêt vosgienne dans les années 1990. Dans le massif jurassien, nous surveillons les sources (comme celle du Doubs) et les tourbières pour mieux comprendre et modéliser les conséquences de la fabrication du Comté sur la ressource en eau, par exemple.
3. Quel message souhaiteriez-vous faire passer aux étudiants ?
Selon moi, les sciences ont perdu de vue l’approche systémique, c’est-à-dire que l'on a découpé l’étude de chacunes des parties de la zone critique : on a cloisonné les savoirs, on a oublié l'étude du tout. Pour moi, cela est une erreur. Je conseillerais aux étudiants d'apprendre, certes, des techniques particulières et de se spécialiser, mais de ne jamais oublier de prendre du recul. Face aux défis que les nouvelles générations de chercheurs, d’ingénieurs, de techniciens devront relever à l’avenir, nous n’avons plus d'autre choix que d’adopter une approche plus holistique des problèmes.
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Département Sciences de la vie et de l'environnement : scolaritesve@univ-fcomte.fr