Prix AFM de la meilleure communication 2023
L. Rannou
2023
Auteur 
BRANGET Lydie

Le prix de la meilleure communication pour un enseignant de l’Institut d'Administration des Entreprises de Franche-Comté (IAE)

Yohan Bernard, maître de conférences HDR[1] en Marketing à l’IAE de l’Ufr SJEPG[2] et sa co-autrice, Cécile Colin, maître de conférences à l’université de Bourgogne, ont reçu, lors du congrès international de l’Association Française de Marketing, le prix AFM 2023 du meilleur papier pour leur communication « Le rôle clé de l’éco-colère dans l’acceptabilité des mesures gouvernementales de sobriété contrainte (MGSC) ». Ce Congrès a rassemblé 350 participants ; 160 travaux ont été présentés.


En résumé, face à l’urgence climatique, le GIEC[3] et d’autres acteurs appellent à la mise en œuvre de MGSC. On peut toutefois s’interroger sur l’acceptabilité de telles mesures du point de vue des consommateurs. Cette recherche propose un modèle exploratoire de l’acceptabilité des MGSC reposant sur l’effet positif indirect des connaissances subjectives des consommateurs en matière de changement climatique. Cet effet s’expliquerait par l’éco-colère : plus les consommateurs disposent de connaissances à propos du changement climatique, plus ils ressentent de la colère, et plus ils sont prêts à accepter des mesures gouvernementales qui limiteraient leur liberté de consommer. Cette séquence est soutenue par l’étude quantitative réalisée, confirmant ainsi le rôle mobilisateur de l’éco-colère en population générale. Des implications théoriques, méthodologiques et sociétales en sont tirées.

 

Cette étude a été menée en s’appuyant sur une large bibliographie et une enquête auprès d’un échantillon représentatif de la population française, mesurant les connaissances subjectives concernant le changement climatique ainsi que les éco-émotions lorsque les individus pensent au changement climatique : l’éco-colère, l’éco-anxiété et l’éco-dépression. L’acceptabilité de six MGSC inspirées par les recommandations de la Convention citoyenne pour le climat a également été mesurée : interdire la viande dans la restauration collective au moins un jour par semaine ; mettre en place un système de consigne de verre (lavable et réutilisable) pour les bouteilles, les bocaux, etc. ; limiter la vitesse à 110 kilomètres à l’heure sur autoroute ; rendre obligatoire la vente des produits en vrac pour tous les produits pour lesquels cela est possible (céréales pour le petit déjeuner, pâtes, etc.) ; renoncer au déploiement du réseau de téléphonie mobile 5G ; limiter la consommation de données mobiles à 5 Go par mois.

 

Yohan Bernard et Cécile Colin constatent que « D’un point de vue théorique, cette recherche confirme l’influence des connaissances subjectives des consommateurs : elles exercent un effet positif direct sur les éco-émotions, ainsi qu’un effet positif indirect sur l’acceptabilité des MGSC, mais uniquement via l’éco-colère. Le lien direct entre connaissances subjectives en matière de changement climatique et éco-émotions a été peu étudié jusqu’à présent. Nos résultats confirment le caractère mobilisateur de l’éco-colère (contrairement à l’éco-anxiété et à l’éco-dépression) en population générale, et pas uniquement auprès des activistes. […] »

« Ce travail soutient plusieurs implications sociétales (Remy et Roux, 2022). Compte tenu de l’influence indirecte des connaissances en matière de changement climatique sur l’acceptabilité des MGSC, le Gouvernement devrait poursuivre ses efforts de sensibilisation du grand public, comme il le fait notamment auprès des étudiants en intégrant un socle commun de connaissances relatives au changement climatique dans toutes les formations. Par contre, il devra veiller à ce que le ton de ces (in)formations ne soit pas catastrophiste afin d’éviter de susciter de l’éco-anxiété, ce qui serait délétère pour la santé mentale des individus et inefficace pour susciter l’adhésion à l’égard des MGSC. Dans ce contexte, il serait souhaitable de présenter les MGSC comme une manière de réguler la colère générée par l’accroissement des connaissances. […]

L’absence d’effet direct entre le niveau des connaissances subjectives et l’acceptabilité des MGSC suggère enfin une relative insuffisance des actions purement cognitives pour faire évoluer les mentalités et les comportements ; les informations doivent susciter des émotions pour encourager l’action (ou, en l’espèce, l’adhésion à des MGSC). On observe d’ailleurs que les seuls travaux scientifiques – synthétisés dans les rapports du GIEC – ou les négociations internationales et traités sur le climat (COP, Accords) sont incapables, à eux seuls, d’avoir un impact déterminant sur la population. Le levier émotionnel doit probablement être actionné pour qu’un effet soit observé. A cette fin, l’éco-colère semble une émotion pertinente car elle aurait des impacts moindres sur la santé mentale (Stanley et al., 2021) tout en étant mobilisatrice. L’utilisation d’un “levier émotionnel” soulève néanmoins des questions épineuses qui constituent des voies de recherche prioritaires, au premier rang desquelles celle de savoir si et comment il serait pertinent de susciter de l’éco-colère et/ou d’employer les éco-émotions déjà existantes chez les consommateurs pour encourager les comportements pro-environnementaux et favoriser l’acceptation de MGSC. Enfin, il serait intéressant de mieux connaître l’orientation de l’éco-colère : Contre qui est-elle orientée (les gouvernements, les entreprises, les consommateurs, soi-même) ? Quelle est l’influence de l’attribution de responsabilité sur les effets de cette émotion ? »

 

Les recherches sur ce thème sont vouées à se développer. Au regard de l’urgence climatique, les décideurs doivent rapidement trouver le moteur de l’adhésion du plus grand nombre aux mesures gouvernementales de sobriété contrainte.



[1] Habilité à diriger des recherches

[2] Unité de Formation et de Recherche Sciences Juridiques Economiques Politiques et de Gestion

[3] Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat

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UFR SJEPG - Sciences juridiques, économiques, politiques et de gestion