De Venise aux Carpates : itinéraires archéologiques
Robin Brigand a la bougeotte. Pendant plusieurs années, ce jeune archéologue a navigué entre la France, l’Italie et la Roumanie en menant de front deux projets scientifiques différents. Portrait d’un chercheur à la fois brillant et modeste, lauréat du prix jeune docteur 2011.
Robin Brigand ne grattait pas le sable à la recherche de vestiges préhistoriques quand il était petit. Ce n’est que tardivement que cet adepte de la plongée prend goût à l’archéologie lors d’un chantier sous-marin. Alors étudiant en histoire à l’Université de Caen, il part chaque été réaliser bénévolement des fouilles dans les Pyrénées, en Normandie, en Bourgogne… Ces chantiers, en compagnie d’autres jeunes, dans des sites naturels remarquables, lui laissent d’excellents souvenirs et lui permettent de réaliser qu’en archéologie, l’humain l’intéresse plus que le bâti.
Il travaille en tant que « pion »pendant ses études et profite des congés scolaires pour arpenter l’Europe en stop et en train. Pour sa licence, il part un an en Roumanie dans le cadre du programme ERASMUS. Premier étudiant à bénéficier des échanges entre l’université de Iasi et celle de Bourgogne, il est libre de découvrir le pays à sa guise. Dès son retour à Dijon, il commence à travailler en collaboration avec des chercheurs de Besançon sur un sujet qui l’intéresse encore aujourd’hui : les formes d’exploitation des sources salées de Moldavie roumaine. Parallèlement, il entame une maîtrise en histoire de l’art et archéologie et un travail de recherche sur l’Italie. « J’étais plus souvent sur le terrain qu’à la fac en train de suivre les cours » avoue-t-il.
Toujours intéressé par la façon dont les sociétés anciennes ont organisé leur espace, il étudie le paysage de la plaine de Venise et la forme des aménagements agraires de l'époque romaine. « On observe encore aujourd’hui des traces de cette structuration », affirme-t-il. Cela deviendra l’objet de sa thèse, réalisée dans le cadre d’une co-tutelle entre l’Université de Padoue et celle de Franche-Comté. Il travaille à partir de cartes actuelles et anciennes, de
photographies aériennes et de plans qu’il recherche lors de ses nombreux séjours en Italie. Non content d’y passer un tiers de l’année, il part chaque été en Roumanie pour y mener sa double vie d’archéologue.
un électron libre toujours en vadrouille
Son directeur de thèse au laboratoire Chronoenvironnement, François Favory, le décrit comme : « un électron libre toujours en vadrouille, capable d’arriver trois jours en avance pour planter sa tente sur un chantier de fouilles alors que tout le monde l’attend en bas de la montagne ». Robin Brigand conduit en effet ses recherches de manière relativement autonome, tout en publiant régulièrement, dès le master. « J’ai fini de rédiger ma thèse en ermite » plaisante-t-il. Celle-ci lui vaudra de remporter le prix A’Doc1 en 2008 et le prix Jeune docteur en 2011.
L’après-thèse est une période de répit pendant laquelle il se remet à la plongée et à l’escalade. Depuis octobre 2011, il est en contrat post-doctoral avec l’Université de Iasi sur un sujet proche des recherches qu’il mène sporadiquement depuis 5 ans en Roumanie. Il y travaille avec des ethnologues et d’autres archéologues sur les dynamiques des occupations humaines à la fin de la préhistoire, en fonction des ressources naturelles. « Le post-doctorat est un cadre qui me convient très bien pour le moment », remarque-t-il. Il en envisage d’ailleurs un second avant de s’engager véritablement dans une carrière de chercheur, d’enseignant-chercheur, ou autre…
S’il se montre passionné par ses recherches, Robin Brigand fait également preuve d’ouverture et de simplicité. « J’ai appris beaucoup de choses aux côtés des paysans roumains… y compris à fabriquer la gnôle ! » plaisante-t-il, avant de reprendre, plus sérieux : « Dans les campagnes, la vie est rude et malgré une pauvreté endémique, les gens sont extrêmement accueillants et ouverts, profondément humains, directs et francs. »
- Le prix A’Doc, organisé par l’association du même nom, attribue des prix de 400 à 600 € à des doctorants pour la rédaction s’un article sur leur recherche à destination du grand public.