aquarelle de Mandeure
J.C. Golvin - Montbéliard agglomération
Auteur 
Catherine Tondu

Plans d’occupation des sols à l’époque gallo-romaine

Les archéologues de l’université de Franche-Comté s’intéressent à la construction des premières villes et au peuplement des zones de Bibracte - Autun et de Mandeure.

Dès le IVe siècle avant J.-C., la civilisation celtique, forte de lois, de coutumes et d’une langue commune, apporte une unité certaine à l’Europe. Son rayonnement culturel trouve son apogée au second âge du fer, courant de - 480 à - 30, et la Gaule est à cette période réputée pour en être le pays le plus prospère. Cependant les Celtes, farouchement indépendants, sont organisés en tribus, une division qui finira par signer leur perte et leur soumission progressive à Rome. C’est l’avènement de l’ère gallo-romaine, marquant le début de l’Antiquité.

Comptant parmi les plus influents des peuples celtes, les Séquanes et les Eduens règnent sur l’Est de la Gaule en ennemis jurés. Si Vesontio (Besançon) est la capitale des Séquanes, Epomanduodurum (Mandeure) est la deuxième ville du territoire par son importance. Mais en matière de recherches archéologiques, elle dame le pion depuis longtemps à la capitale comtoise en raison d’une faible urbanisation contemporaine rendant les vestiges plus accessibles.

Dans le Morvan, Bibracte n’a pas survécu à l’Histoire. Elle fut une cité emblématique de la guerre des Gaules, une place forte de premier ordre et la capitale des Eduens pendant un siècle avant de se voir brutalement supplantée par Augustodunum (Autun).

Comprendre l'évolution des sociétés

L’identification des pôles de peuplement et la compréhension des phénomènes majeurs de construction et d’évolution des premières villes, ainsi que des relations qu’elles entretiennent avec les campagnes, motivent les fouilles entreprises par les archéologues de l’université de Franche-Comté aussi bien sur la zone Bibracte / Autun qu’à Mandeure. Des recherches inscrites dans des programmes nationaux et européens, impliquant des équipes spécialisées sur des périodes différentes pour suivre l’occupation d’un même site à travers les siècles. « Il est nécessaire que l’échelle soit assez longue pour comprendre l’évolution des sociétés », explique Philippe Barral, enseignant-chercheur en archéologie à l’université de Franche-Comté.

Les travaux portent essentiellement sur une période partant du IIIe siècle avant J.-C. au début du Moyen Âge, avec des incursions au Néolithique et à l’âge du bronze. Pour les périodes gauloise et gallo-romaine, domaines de prédilection des chercheurs comtois, les sites étudiés, d’une richesse exceptionnelle, livrent peu à peu leurs secrets grâce à des prospections pédestres, puis géophysiques, et enfin à des opérations de sondage à certains endroits choisis. Les mesures de résistivité électrique ou magnétique du sol, et la télédétection par laser LIDAR mettent clairement en évidence aussi bien les tracés de voies de communication que l’existence d’un four de potier.

Reconstituer le puzzle du passé

La datation des sols, enduits, céramiques, bijoux et autres ustensiles exhumés aide à reconstituer le puzzle du passé. Et lorsqu’on entre dans le détail de l’Histoire, la précision se mesure à la dizaine d’années près… « L’abandon de Bibracte et la création d’Autun se sont faits à peu près simultanément, en quelques années. Bibracte, oppidum gaulois, s’est développé au cours du Ier siècle avant J.-C., et Autun prend sa place à partir du changement d’ère sous la forme d’une ville possédant tous les attributs de la romanité ». Reste à savoir pourquoi les Celtes abandonnent alors une place forte qu’ils viennent juste de doter de terrassements et d’infrastructures pour asseoir sa rénovation selon un plan d’urbanisation des plus modernes, pour déplacer leur capitale à vingt-cinq kilomètres de là…

« Bibracte est une ville avortée, et on estime qu’il n’a fallu que cinq ans pour voir cette cité influente réduite à néant », raconte Matthieu Thivet, ingénieur de recherche au laboratoire d’archéologie bisontin.

Cette migration subite correspond sans aucun doute à une décision politique du premier empereur romain, Auguste, qui, régnant à la charnière du premier millénaire (- 27 / + 14), opère une réorganisation des territoires gaulois conquis.

« Une ville ouverte, intégrée dans la plaine, au carrefour de voies de communication importantes correspond peut-être alors mieux à la dynamique commerciale de l’empire romain, et à sa volonté de rayonnement, qu’un oppidum défensif perché sur les hauteurs. »

Une quantité impressionnante de vestiges retrouvés

Aujourd’hui, on possède les preuves matérielles de l’importance des échanges commerciaux entre les Eduens et les Romains, bien avant la conquête, grâce à la quantité impressionnante de vestiges retrouvés, monnaies, amphores à vin... Si une aristocratie conservatrice voit d’un mauvais œil s’enrichir ainsi les plus progressistes de ses compatriotes, les Eduens de façon générale tirent profit de relations privilégiées avec Rome pour renforcer leur puissance dans le monde celtique.

Pour les Romains, le territoire des Eduens, idéalement situé entre le sud de la Gaule déjà acquis et les provinces du nord, à la croisée des routes commerciales les plus importantes, s’avère une tête de pont pour diffuser leurs produits et leur civilisation : en réalité, lors de la guerre des Gaules menée par César de 58 à 52 avant J.-C., l’acculturation est déjà effective dans différents territoires.

Au-delà des batailles militaires et sanglantes comme le drame de la reddition de Vercingétorix qu’a retenu l’Histoire, la romanisation de la Gaule aura bien plus été le fruit de relations commerciales que d’épisodes guerriers…

Article paru dans le n°253 du journal en Direct, mai-juin 2014.

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