Investigations archéologiques à Philippes
Les cités antiques et leurs trésors exhumés exercent un formidable pouvoir de fascination sur les archéologues et les historiens comme sur le grand public. Mais leur zone d’influence, s’étendant bien au-delà de l’enceinte urbaine, gagne aussi à être connue : le territoire est à considérer globalement pour une meilleure connaissance du passé. Un principe de recherche que met en avant l’ISTA, l’Institut des sciences et techniques de l’Antiquité de l’université de Franche-Comté, comme à Philippes, un des hauts lieux de l’Antiquité grecque.
Moins prestigieuse et moins ancienne que des cités comme Delphes, Philippes, située sur la Via Egnatia reliant l’Orient et l’Occident, a été colonisée à différentes reprises, et témoigne d’un riche passé. Philippes est également un symbole de l’histoire chrétienne : visitée à son arrivée en Europe par l’apôtre Paul, qui enverra son Épître aux Philippiens vers 60 après J.-C., elle voit le premier baptême d’une femme européenne célébré dans ses murs. L’ancienne cité macédonienne abrite des trésors de l’architecture et du patrimoine antiques, tels un théâtre, deux basiliques, un forum et divers mobiliers, que cent ans de fouilles par l’École française d’Athènes ont patiemment mis au jour. Élargissant l’horizon des investigations, les chercheurs de l’ISTA s’intéressent depuis quinze ans à l’ensemble du territoire, guettant au-delà de la cité les traces d’une occupation rurale concomitante.
Terre de conquête et de colonisation, Philippes doit son nom à Philippe II de Macédoine, père d’Alexandre le Grand, qui fonde la cité en - 356 sur une aire de peuplement thrace. Une annexion principalement motivée par les mines d’or du Mont Pangée toutes proches. Deux phases de colonisation romaine succèdent ensuite à l’occupation macédonienne. La première datant du premier siècle avant J.-C. voit se dérouler en - 42 la célèbre bataille opposant les héritiers et les assassins de César, octave et Antoine versus Brutus et Cassius. Tirant profit de leur victoire, octave et Antoine fondent une colonie romaine sur le site pour y loger les vétérans de leur armée. octave élimine par la suite Antoine, devenu son rival, et devient maître de l’Empire sous le nom d’Auguste. En - 30, il réorganise une seconde fois la colonie.
Stigmates de la guerre de - 42
De ces guerres civiles et rebondissements de l’histoire romaine, les chercheurs de l’ISTA ont retrouvé les fossés marquant les limites des camps des protagonistes lors de la guerre de - 42. Ingénieur au laboratoire, chargé des aspects d’imagerie scientifique, Georges Tirologos participe aux campagnes de fouilles organisées à Philippes
tous les deux ans. « Cette découverte archéologique confirme les enseignements que nous ont livrés les textes. La confrontation entre les deux sources, de terrain et documentaire, est un fondement des travaux de l’ISTA », précise-t-il.
Autre trouvaille dont peut s’enorgueillir l’équipe bisontine : celle d’une borne cadastrale, qui donnait à un carrefour des indications précises de repérage et de propriété le long des voies romaines. Moins majestueux qu’une colonne en marbre de Carrare mais plus inédit, ce vestige est le premier du genre découvert sur le sol grec. De toute évidence, il n’est pas le seul. Reste à voir si les outils de localisation high tech que sont le GPS, le LIDAR et autres drones chargés de la prospection archéologique sauront retrouver par-delà les millénaires les objets de positionnement du passé…
« L’un de nos objectifs est d’élaborer une carte archéologique du territoire de Philippes : le recensement des sites ruraux nous en donnera les premiers éléments. » Les monuments antiques ont, eux, fait l’objet d’hypothèses de reconstitutions minutieuses sur le papier au fil de cent ans de découvertes. Une aventure archéologique et humaine racontée dans une exposition itinérante qui a fait escale à Besançon en octobre dernier après avoir voyagé de la Grèce à la Suisse, en passant à Paris par l’UNESCo, dont Philippes espère obtenir un classement au patrimoine mondial.
Article paru dans le n°262 de Janvier 2016 du journal en Direct.