L'attention, clé de compréhension du comportement
François Maquestiaux, enseignant-chercheur en psychologie cognitive, s'intéresse à la façon dont nos capacités d'attention influent sur notre manière d'agir.
Comment perçoit-on les choses ou se souvient-on des gens ? Qu’est-ce qui nous pousse à prendre une décision plutôt qu’une autre ? Bref, quels sont les processus mentaux qui régissent nos comportements ? Ces questions sont au centre de la recherche en psychologie cognitive, dont la spécificité réside dans la déduction du fonctionnement cognitif à partir de l’observation et de la mesure du comportement humain ; les modèles ainsi élaborés sont ensuite très utiles aux sciences cognitives, qui elles s’intéressent aux aspects biologiques du cerveau. Enseignant-chercheur à l’université de Franche-Comté, François Maquestiaux est spécialiste en psychologie cognitive. La qualité de ses travaux lui vaut d’être nommé à l’Institut universitaire de France (IUF) cette rentrée et pour une durée de cinq ans, période pendant laquelle un soutien financier et une décharge de cours partielle lui donneront la possibilité de se consacrer davantage à ses recherches.
C’est par le prisme de l’attention, un aspect encore peu étudié en France, que François Maquestiaux interroge le système cognitif. « L’attention est une ressource mentale disponible en quantité très limitée mais qui entre pourtant en ligne de compte dans de nombreux processus, explique le chercheur. Elle intervient dans notre façon de prendre une décision, conditionne notre façon d’apprendre et influence notre mémoire ». Le degré d’attention que nous sommes en mesure d’apporter oriente nos pensées vers la perception rapide ou le raisonnement éclairé. « 90 % du temps nous fonctionnons en mode rapide. Ce qui peut jouer des tours dans certaines situations qui demanderaient plus de réflexion. »
Les hommes ne savent pas faire deux choses à la fois
Qu’ils se rassurent, les femmes non plus. Du moins si on analyse les choses très finement. Pour étudier les mécanismes de l’attention et voir comment le traitement cognitif s’organise, François Maquestiaux s’intéresse de près à notre capacité à effectuer deux tâches en simultané. Avec d’autres chercheurs, il a par exemple montré que, contrairement aux croyances, l’attention n’est pas divisible mais allouée aux opérations mentales d’une seule tâche à la fois, même après plusieurs milliers d’entraînements. Cette alternance attentionnelle explique certainement pourquoi téléphoner au volant est très risqué sur la route, même chez les conducteurs expérimentés.
En effet, la rapide diversion de l’attention vers une tâche de discrimination auditive (dire si un son est aigu ou grave) fait perdre cent cinquante millisecondes de temps de réaction au freinage, ce qui peut sembler négligeable, mais qui représente une distance de cinq mètres à la vitesse de 130 km/h. « Si l’homme réussit à effectuer deux tâches à la fois, c’est tout de même au détriment de l’efficacité de l’une d’entre elles, voire des deux. Cela pose donc la question de savoir s’il est vraiment raisonnable de croire qu’il existe des recettes miracles qui pourraient permettre de développer ses capacités d’attention… »
La formalisation verbale et l’action ne font pas non plus toujours bon ménage. Chez les musiciens et les grands sportifs, vider son esprit de toute pensée est la meilleure garantie de la bonne exécution d’un geste devenu automatique à force d’entrainement. Si le débutant a tout intérêt à avoir conscience de ses postures et de la façon de faire pour apprendre, le professionnel au contraire ferait mieux de s’en remettre sans réfléchir à sa grande maîtrise : c’est comme ça qu’il évitera les fausses notes ou marquera le penalty ! Quelqu’un a-t-il songé à demander aux Italiens le fond de leur pensée lorsqu’ils ont perdu la séance de tirs au but face à l’Allemagne lors de l’Euro 2016 ?
Article publié dans le numéro 266 de septembre-octobre du journal en direct.