Un colloque de lycéens
Pour faire goûter la recherche aux élèves du secondaire, Nicolas Carry, du laboratoire Chrono-environnement, leur a proposé de mener eux-mêmes un véritable travail scientifique, en suivant l'intégralité de la démarche du chercheur, depuis le questionnement de départ jusqu’à la présentation des résultats lors d’un minicolloque.
Le programme « Une classe, un chercheur » vise à faire découvrir la recherche et l’université aux lycéens et collégiens. Dans ce cadre, une trentaine de rencontres entre chercheurs et élèves sont organisées chaque année en Franche-Comté. Nicolas Carry, ingénieur d’études au laboratoire Chrono-environnement, a commencé à participer à ce dispositif en 2009. Il se rendait dans les collèges et dans les lycées pour présenter son travail et organisait ensuite une séance de travaux pratiques à l'université. Moyennement satisfait par cette formule, « parce qu’elle ne leur faisait pas vraiment découvrir la démarche du chercheur », il a eu l'idée de faire mener aux élèves de véritables travaux de recherche adaptés à leur niveau et cohérents avec les programmes scolaires. Son objectif : leur faire suivre tout le déroulement du travail scientifique, depuis l’élaboration d’hypothèses jusqu’à la conclusion, en passant par la recherche bibliographique, l’expérimentation, l’analyse des résultats et leur interprétation. Il a ainsi proposé une série de sujets à quelques professeurs des lycées Paul Emile Victor, à Champagnole, Georges Cuvier à Montbéliard, et Edouard Belin à Vesoul, avec lesquels il avait déjà collaboré auparavant. « Un sujet de géosciences, par exemple, va mêler physique, chimie, mathématiques et géographie », explique-t-il.
Quand ils veulent résoudre un problème, les chercheurs commencent par compiler la littérature scientifique parue sur le sujet qui les intéresse. Répartis en petits groupes, les lycéens ont donc commencé par se documenter, avant de faire ensemble le choix d’un protocole adapté. On a ainsi pu voir émerger des démarches tout à fait différentes pour répondre à une même question. Pour anticiper le mouvement des plaques tectoniques par exemple, les uns se sont basés sur des données GPS, les autres ont fait des calculs basés sur la masse et l’énergie cinétique. Il a souvent fallu réaliser des expériences. Nicolas Carry a prêté du matériel quand cela s’est révélé nécessaire et s’est tenu à la disposition des élèves pour répondre à leurs questions par e-mail. « Ils ont appris que quand une expérience ne donne pas les résultats escomptés, il ne faut pas le vivre comme un échec mais au contraire en analyser les raisons pour rebondir », commente-t-il. Ensuite les élèves sont passés à l’analyse des résultats, avec toute la rigueur, le recul critique et les précautions qui doivent caractériser l’esprit du chercheur.
Une question peut être plus intéressante qu’une réponse
Le travail de recherche débouche en principe sur une publication dans une revue scientifique, et/ou par une présentation dans un colloque. Pour les chercheurs, c'est l'occasion de le faire connaître et de le soumettre à la critique de leurs pairs. Le 26 avril, les soixante-quinze élèves franc-comtois ayant participé à cette opération intitulée « Soyez les chercheurs » ont été accueillis dans les locaux de l’UFR ST, à Besançon, pour une véritable journée de colloque. Différentes sessions étaient organisées, avec un programme précis correspondant à quatre grands thèmes : tectonique, ressources et énergies, paléontologie, sédimentologie et risques naturels. Dans l'amphithéâtre, chaque groupe a présenté son travail, pendant un temps limité et en s’appuyant sur quelques diapositives. La timidité était de mise, y compris dans la salle, beaucoup hésitant à poser des questions. « Ils craignent toujours une évaluation négative et c'est dommage. J’essaie de leur faire comprendre qu’en science, une question peut être plus intéressante qu’une réponse », déclare Nicolas Carry.
Les élèves ont également rédigé des compte-rendus construits selon le plan standard des articles scientifiques, avec les différentes parties : résumé, introduction, méthode, résultats, discussion, conclusion. Le tout bien sûr illustré par des figures ad hoc. Ces articles ont été rassemblés et imprimés dans un livret qui a fait office d’actes pour ce minicolloque.
De l’avis des enseignants de mathématiques, de physique-chimie et de sciences de la vie et de la terre qui ont accompagné leurs élèves tout au long de ce projet, ce travail a été globalement perçu comme difficile. « Mais ils ne se sont pas découragés pour autant et je crois qu'ils ont été contents de ce qu'ils ont accompli », déclare Médéric Bayard, du lycée Cuvier. « L’intérêt de cette formule, c’est qu’elle leur offre plus de contact avec le chercheur et qu’elle implique davantage les élèves en leur faisant développer leur autonomie », souligne Virginie Tuaillon, enseignante au lycée Edouard Belin, de Vesoul. Un second colloque, avec des collégiens cette fois, est prévu en juin prochain.