La condition des femmes noires au Brésil
Quelle place les descendantes des esclaves africains occupent-elles dans la société brésilienne ? Le Gymnase-espace culturel de l’université leur consacre actuellement une exposition qui montre que le chemin vers l’égalité est loin d’être parcouru. Ces femmes jouent pourtant un rôle essentiel dans l’identité culturelle du pays.
Au Brésil, l’abolition de l’esclavage n’a pas été accompagnée d’une politique d’intégration des populations originaires d’Afrique et de leurs descendants. Les préjugés datant de cette époque n’ont pas complètement disparu et de nombreuses inégalités subsistent. La société brésilienne étant par ailleurs plutôt machiste, les femmes noires et métisses sont doublement désavantagées. Cette problématique est au centre de l’exposition « Mulheres negras, femmes noires du Brésil » qui se tient jusqu’au 13 avril au Gymnase-espace culturel de l’université. Elle présente des œuvres plastiques, mais aussi quelques clichés et un documentaire. Il s’agit des réalisations de deux Brésiliennes, Rosana Paulino et Charlène Bicalho, qui ont voulu dénoncer cette situation et redonner à ces femmes la place qui leur est due à travers leurs travaux respectifs.
Charlène Bicalho est photographe et chercheuse en sciences sociales. Elle est l’auteur d’un film qui, à travers des témoignages de femmes de tous âges à propos d’un sujet aussi anodin que l’entretien et de leurs cheveux crépus, pose en réalité la question de l’image de la femme noire. La dictature des canons de beauté blancs est également une thématique récurrente dans le travail de la plasticienne Rosana Paulino. « Quand j’étais enfant, il n’y avait aucune poupée à laquelle je puisse m’identifier, aucune héroïne ou princesse qui soit noire », raconte-t-elle. Dans certains de ses tableaux, elle assimile à une forme d’automutilation physique et psychique les tentatives des femmes afro-descendantes pour se conformer à des stéréotypes esthétiques qui ne leur correspondent pas.
Son œuvre pose aussi la question du destin tout tracé de ces femmes appelées à être de futures victimes. Elle rappelle que l’émancipation par l’éducation est possible et qu’elles peuvent accéder à d’autres métiers que ceux d’ouvrière agricole ou d’employée domestique. Dans la société brésilienne, les femmes noires occupent les postes les plus dévalorisés et reçoivent les salaires les plus bas. Leurs occupations sont souvent perçues comme de moindre importance, bien qu’elles jouent un rôle économique non négligeable.
Dans le domaine religieux en revanche, elles ont parfois pu accéder à un certain statut. En faisant référence aux orixàs1, l’œuvre de Rosana Paulino rappelle que si certains symboles africains ont infiltré la société, c’est bien grâce au rôle joué par ces femmes dans la perpétuation des rites afro-brésiliens. Ses tableaux évoquent également les nourrices, « ama-de-leite », qui élevaient les enfants des Blancs, transmettant un peu de leur propre culture et de leur propre langue à travers les berceuses ou les contes.
Grandes oubliées de l’histoire, les femmes noires et métisses ont pourtant joué un rôle essentiel dans la construction culturelle et économique du pays, comme l’expliquent les textes des panneaux qui complètent l’exposition. Ils sont tirés du livre de Shuma Shumaher et Erico Vital Brazil, Mulheres negras do Brasil, édité chez Senac Editoras, un recueil très complet de ce que le Brésil compte de personnalités féminines afro-descendantes. Ces extraits ont été sélectionnés et traduits par Frédérique Daoudal, chargée du développement culturel de l’association Ritmo da Capoeira qui a réalisé cette exposition en collaboration avec le service sciences, arts et culture de l’UFC2.
- Divinités afro-américaines issues des traditions religieuses yoruba qui ont été introduites au Brésil par les esclaves. Certaines ont été assimilées à des saints chrétiens.
- Cette exposition bénéficie du soutien de la Ville de Besançon, du conseil général du Doubs, de la Région Franche-Comté et de France-Bleu Besançon.