Pourquoi ont-ils tué Lip ? De la victoire ouvrière au tournant néolibéral
5 Novembre 2019
Le séminaire consacré aux mouvements sociaux et syndicalismes des années 1960 aux années 2000 se poursuit en 2019-2020. Première séance avec Guillaume Gourgues, maître de conférences en sciences politiques à l’université de Lyon.
Jean-Paul Barrière, professeur d’histoire au Centre Lucien Febvre, organise un séminaire dans le cadre de son projet de recherche « Mouvements sociaux, syndicalismes et territoires dans les mutations économiques (années 1960 - années 2000) ».
Intervention de Guillaume Gourgues
En 1973, les ouvrières et ouvriers de l’usine horlogère Lip à Besançon s’opposent aux licenciements qu’on leur promet : occupation, confiscation du stock de montres, redémarrage partiel de la production, organisation des premières paies ouvrières. En mars 1974, au terme d’un conflit au retentissement mondial, devenu un véritable mythe du mouvement social, leur entreprise redémarre, relancée par un consortium d’actionnaires emmené par Antoine Riboud et soutenu par l’État. Les licenciements sont évités. C’est la victoire ouvrière.
Mais deux ans plus tard, c’est la faillite. Ceux qui avaient relancé Lip accusent alors Claude Neuschwander, qu’ils avaient placé à la tête de l’entreprise, d’en être le principal responsable. Celui-ci clame pourtant haut et fort que la décision de liquider Lip est un choix politique : le patronat et l’État ont-ils délibérément interrompu la relance ? Ont-ils tué Lip et, si oui, pourquoi ?
Cette contribution propose de suivre l’hypothèse d’une mise à mort politique de l’entreprise horlogère, en la réinscrivant dans un tournant néolibéral qui la dépasse et l’explique. Engagés dans un travail commun, explorant des séries d’archives inédites, Claude Neuschwander et Guillaume Gourgues, chercheur en science politique, ont retracé méticuleusement cet épisode majeur de l’histoire du capitalisme français qu’a été la relance de Lip.
Considérer la fin de Lip comme le résultat d’une stratégie délibérée débouche sur une lecture nouvelle de l’ordre néolibéral actuel qui s’enracine précisément dans cette seconde moitié des années 1970. Le fonctionnement de l’économie se fonde largement sur des choix politiques, et les licenciements n’ont pas toujours été considérés comme une inévitable loi du marché ou une variable d’ajustement nécessaire de la compétitivité des firmes.
L’action de recherche « Mouvements sociaux, syndicalismes et territoires dans les mutations économiques (années 1960 - années 2000) » est soutenue par la Région Bourgogne-Franche-Comté et s’inscrit dans la programmation scientifique du Centre Lucien Febvre et de la MSHE Ledoux.
Horaires
De 10h à 12h.
Lieu
- MSHE – Maison des sciences de l'homme et de l'environnement Claude Nicolas Ledoux
1 rue Charles Nodier
25000 Besançon