Simulation médicale : le droit à l’erreur
Les étudiants en médecine peuvent s’entraîner à réagir face à des situations critiques sur de faux patients dans le nouveau centre de simulation de l’UFR SMP.
L’androïde respire, parle, transpire, cligne des yeux… Ses pupilles se dilatent, il convulse, ses lèvres et les bouts de ses doigts deviennent bleus. Nous ne sommes pas dans un film d’anticipation mais bien dans les locaux du nouveau centre de simulation, baptisé Medsim, dont s’est dotée la faculté de médecine. Deux mannequins sophistiqués, l’un à l’image d’un homme, l’autre d’une femme enceinte, permettent aux étudiants de participer à des travaux pratiques aux allures de jeux de rôle, dans la réplique d’une salle de travail et d’un bloc opératoire.
Pendant l’exercice auquel nous assistons, l’accouchement se double d’un choc anaphylactique, une complication très rare. Tandis que l’interne et l’infirmier anesthésiste s’activent pour diagnostiquer le problème et sauver la patiente, les enseignants observent et pilotent l’expérience de l’autre côté d’une vitre sans tain. Ils peuvent modifier en direct la séquence, programmée à l’avance, du comportement et des réactions physiologiques du mannequin. Ils miment aussi, au téléphone, les réponses des services appelés en renfort : « Le gynéco n’est pas là », « Il n’y a plus de culots de sang… », ajoutant des difficultés qui peuvent effectivement survenir dans la réalité.
Ici, on a droit à l’erreur. L’idée est de se forger une expérience sur des situations critiques que les médecins ont rarement l’occasion d’expérimenter au cours de leur carrière. Cependant, la maîtrise des gestes techniques n’est pas l’objectif principal de ce genre d’entraînement. « Ils connaissent tous ces gestes. Nous cherchons plutôt à améliorer la coordination et l’organisation de la prise en charge dans une situation de stress », explique Sébastien Pili-Floury, médecin anesthésiste et enseignant. On pourrait invoquer le côté artificiel de la situation, mais les actions des protagonistes montrent que contexte émotionnel lié à l’urgence est bien là. Pour preuve : huit binômes sur dix oublient d’allumer la lumière, ce qui leur faciliterait pourtant la tâche.
En salle de débriefing, après l’exercice, on se repasse le film de la séance, synchronisé à la seconde près avec l’évolution des fonctions vitales du mannequin. « A ce moment-là, est-ce que tu avais déjà poussé l’adré ? » demande l’interne, et, face à la réponse affirmative de l’infirmière : « ah… je ne savais pas ». « D’où la nécessité verbaliser systématiquement vos gestes » conclut l’un des formateurs. Il ajoute : « Quand tu as appelé le gynéco au téléphone, tu as évoqué un ACR… Pour lui ça n’a pas de sens : il vaut mieux parler d’arrêt cardio-respiratoire ». Eviter les messages ambigus, hiérarchiser les priorités, se donner des indications sur le diagnostic supposé, autant de petites choses qui auraient pu faciliter l’intervention, même si, d’un point de vue technique, la pseudo-patiente a été convenablement prise en charge.
Medsim n’est pas réservé aux étudiants. Il servira aussi aux médecins en formation continue et aux élèves sages-femmes. Il pourrait même aider à résoudre des problèmes de communication entre anesthésistes et chirurgiens. De plus en plus d’universités se dotent de tels mannequins. « Cette culture de la simulation est issue, à la base, de l’aéronautique, un autre secteur professionnel qui ne laisse pas le droit à l’erreur. Verra-t-on, à l’avenir, les médecins passer des certifications en simulateur, à l’instar les pilotes d’avion ? » interroge, mi sérieux, mi plaisantant, Sébastien Pili-Floury.
Cette nouvelle installation de l’UFR Sciences médicales et pharmaceutiques n’est que le premier élément d’un projet plus global, baptisé Cesimus, qui inclura un centre de simulation pour la chirurgie (Chirsim) et un autre pour la pharmacie (Pharmasim).