La devanture de l'institut Sukan negara
Thibault Lussiana
Auteur 
Christiane Carry

Les apports scientifiques et culturels d'un séjour international

Après trois mois d'expériences menées dans le cadre de sa recherche à l'Institut national des sports de Kuala Lumpur, Thibault Lussiana a retrouvé la France, Besançon et l'université. Retour sur les fruits de cette parenthèse universitaire à l'étranger.

« Je suis parti vers cet ailleurs, certain d'avoir tout préparé, tout pensé. Je savais presque comment mon séjour allait se dérouler, je n'avais rien laissé au hasard. Et puis je suis arrivé en Malaisie et j'ai réalisé qu'il me fallait revoir ma feuille de route, que ce que l'on attendait de moi n'avait rien à voir avec ce que j'avais prévu ! » s'amuse aujourd'hui Thibault Lussiana. « Pour moi, le premier grand pas à franchir a été, après deux semaines seulement, d'avoir à présenter en anglais mon projet : la procédure, la méthodologie, les sujets d'expérimentation… tout. Ça a été difficile, j'ai dû me donner à fond et batailler contre mes peurs, mes freins et mes a priori. Mais après ce baptême du feu, tout a été incroyablement simple et facile », assure-t-il. Le sujet de recherche de ce jeune coureur de fond porte sur la prise en compte des manières de courir pour optimiser l'entraînement.

« La culture universitaire malaisienne a bien sûr ses spécificités, note le jeune chercheur. Les directeurs de laboratoires ont une charge administrative et de gestion qui occupe tout leur temps. Leur carrière s'appuie sur la qualité de cette gestion. La reconnaissance, si elle ne regarde pas le nombre de publications ou de travaux de recherche engagés, prend en compte chaque dépense, chaque action ; c'est elle qui autorise les moyens alloués », précise-t-il. « L'Institut national des sports qui m'accueillait bénéficie d'outils d'analyse que je n'avais jamais utilisés. J'ai pu par exemple modéliser le coureur en totalité pour une reconstitution en 3D pour mes études. Cela a accéléré ma compréhension du mouvement1. »

Un autre sujet de découverte pour Thibault a été culturel, celui-là : il concerne en effet le mode de relations qu'entretiennent les personnes au sein d'une équipe. « L'équipe que je rejoignais m'a entouré dès mon arrivée. Chacun voulait me connaître, me comprendre. Dans la culture malaisienne, appartenir à une équipe, ce n'est pas seulement la côtoyer sur le lieu de travail, c'est aussi poursuivre la relation après le travail et à l'extérieur. Et là, plus question de parler travail ! Nous partagions quasiment toutes nos activités sportives et festives : les professeurs jouent au volley, au badminton avec les techniciens, les chercheurs, jeunes et moins jeunes, femmes et hommes – même si des différences demeurent entre femmes et hommes en Malaisie. Je ne pense pas que cela relève d'une stratégie dont l'objectif serait la cohésion ou l'efficacité ; non, c'est juste du vivre ensemble. Et si l'on se réfère à nos critères de temps, production et rentabilité, on travaille moins en Malaisie ; en fait, on travaille différemment, moins vite mais dans une ambiance toujours joyeuse - et souvent en chantant !2 »

« Partir en terrain inconnu pour conforter ses recherches me semble aujourd'hui indispensable - et je n'aurais pas dit cela avant mon départ, confie Thibault. J'ai envie de dire à mes collègues étudiants que, oui, ce sera difficile, oui ils auront à se frotter à une autre langue, à d'autres contraintes, à combattre leurs propres limites aussi mais qu'il faut tenter l'expérience, que cela en vaut vraiment la peine. "Reviens quand tu veux", m'ont dit les collègues du labo. Je ne sais pas si je retournerai en Malaisie, mais je sais que je peux repartir à l'étranger ! »

  1. Parmi ses diffèrentes problématiques, Thibault recherchait lequel des deux systèmes que sont l'œil humain (celui de l'entraîneur, subjectif) et l'œil numérique (celui des machines, scientifique) était le plus apte à évaluer rapidement la manière de courir d'un sujet ; les analyses ont révélé un taux de corrélation de 80 % des deux systèmes.
  2. Thibault souligne combien les Malaisiens aiment chanter et sont friands de karaoké.

Contact

Thibault Lussiana
thibault.lussiana@gmail.com

Laurent Mourot
Enseignant-chercheur à l'U-Sports
Responsable du master Entraînement, management et ingénierie du sport (EMIS)
laurent.mourot@univ-fcomte.fr

Laboratoire C3S – Culture, sport, santé, société

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