Régine Llorca enseigne l’oralité1 du français au Centre de linguistique appliquée (CLA) à des étudiants de niveau avancé et à de futurs enseignants de français langue étrangère (FLE). Dans ses cours, cette spécialiste de la linguistique-phonétique montre l’importance dans notre langue de « tout ce qui ne s’écrit pas » : l’intonation, la gestuelle, l’expressivité, l’utilisation de la voix, le rythme, la musique de la langue… « De façon générale, on apprend que la syntaxe, ce sont les mots, explique-t-elle. Mais en réalité, une bonne partie de la syntaxe ne passe pas par le vocabulaire. » Ses élèves s’entraînent à manipuler les intonations, à analyser la communication non verbale, à interpréter correctement ce qu’ils entendent… « Je dois par exemple montrer aux étudiants asiatiques qu’en français, il faut bouger pour se faire comprendre », indique-t-elle, à l’inverse des langues tonales comme le chinois qui ne nécessitent pas de mouvements du corps.
Le français est une langue souple qui peut générer de nombreux quiproquos
C’est autour de ce travail sur l’oralité qu’est né « Drôle de langue ». L’enseignante a défini les contours de ce projet il y a plusieurs années déjà. Il se compose de deux volets : une série de vidéos pédagogiques humoristiques mettant en scène des phénomènes et curiosités de la langue, et une plateforme web avec des jeux et exercices sonores et audiovisuels. « Depuis le développement du numérique, il existe beaucoup de jeux sur l’écrit mais assez peu sur le travail de l’oreille », indique-t-elle. Ces dernières années, Régine Llorca s’est concentrée sur la première partie du projet en produisant de courtes vidéos en collaboration avec quelques collègues et un comédien professionnel. L’an dernier, elle a proposé à ses étudiants de participer à leur tour. À partir de leurs idées, l’enseignante a imaginé des sketchs fondés sur des situations d’incompréhension, des polysémies2, des homophonies3, des ambiguïtés langagières… « Il y a cette idée reçue selon laquelle le français serait une langue très précise. Alors que c’est une langue souple qui peut générer de nombreux quiproquos, explique-t-elle. Et ce qui est intéressant, c’est de grossir le trait pour créer quelque chose de drôle. » Avec l’aide d’une stagiaire formée aux métiers de l’audiovisuel, la classe a produit sept petites vidéos. Pour cela, les étudiants ont dû soigner leur jeu d’acteur : « Ils se sont rendu compte du travail de précision que demande le sens, témoigne-t-elle. Et la vidéo est une forme qui requiert également d’être très précis. » L'enseignante en sait quelque chose car elle a participé à des émissions de télévision sur le français et se passionne par ailleurs pour la scène.4