Le 9ème art
Le gymnase-espace culturel de l’IUFM accueille en ce moment une exposition sur une certaine bande dessinée : celle qui s’affranchit des codes narratifs et picturaux traditionnels et qui expérimente pour offrir des perspectives artistiques originales.
« Nous en avions assez de voir la bande dessinée considérée comme un simple divertissement pour enfants et adolescents, alors qu’il existe des œuvres d’une grande portée artistique » explique Julien Misserey, membre de l’association Chifoumi.
Cette association collabore aujourd’hui avec le Gymnase-espace culturel de l’IUFM pour organiser « Ce Qui Nous Lie », une grande exposition sur la BD indépendante.
L’objectif : attirer l’attention sur une certaine frange de la production graphique contemporaine avec une sélection d’auteurs qui, selon les membres de l’association, « méritent d’être montrés ».
Certains sont des figures de la scène underground comme le japonais Daisuke Ichiba, avec son œuvre énorme et dérangeante dont chaque publication complète un même ensemble ; l’écossais Tom Gauld dont on peut consulter en avant-première le dernier ouvrage sur l’absurdité de la guerre intitulé « Goliath » ; ou encore la prolifique Tanxxx. D’autres sont des débutants prometteurs.
Marion Fayolle, à peine sortie des arts décoratifs de Strasbourg, publie régulièrement des ouvrages très remarqués où transparaît son intérêt pour le théâtre. Loïc Gaume, originaire de Pontarlier, propose une restitution exclusivement topographique de son vécu, remplissant des carnets entiers de minuscules dessins et commentaires sur les lieux où il s’est rendu.
L’écriture personnelle, autobiographique, est sans doute l’unique point commun de l’ensemble hétéroclite, très riche, d’œuvres exposées. On la retrouve dans les planches de l’espagnole Lola Lorente qui, dans un livre produit lors d’une résidence d’artistes à Angoulême, révèle ses questionnements sur la famille et sur l’identité. Egalement remarqué au festival international d’Angoulême pour son album « TMLP » qui relate le quotidien d’une cité, Gilles Rochier est présent dans « Ce Qui Nous Lie », à la fois en croquis et en personne pour initier collégiens et lycéens à la réalisation de fanzines.
Les auteurs exposés font preuve d’une grande inventivité technique. Le québécois Michel Hellman relate, par des découpages et collages minutieux, une tragédie nucléaire survenue au Groënland à la fin des années 1960. Aurélie William-Levaux mélange dessin, broderie et couture pour exprimer un rapport compliqué à la question de la maternité. Le finlandais Marko Turunen se joue des sens de narration pour plonger davantage le lecteur dans son univers étrange et déstabilisant.
La bande dessinée alternative sait sortir de son cadre : celui des vignettes d’abord, mais aussi celui des pages. Ainsi, Bulu, après s’être essayé aux logiciels de dessin vectoriel, a fini par construire ses créations en bois. Quant à Ruppert & Mulot, ils exposent une installation à base de phénakistiscopes1 tridimensionnels, où, sous la lumière stroboscopique, les images découpées s’animent sous les yeux du visiteur. Ça n’en a plus tout à fait l’air mais c’est encore une forme de bande dessinée : la narration séquentielle est conservée et l’ensemble des scènes animées raconte une histoire, pour un résultat qui vaut le coup d’œil.
Beaucoup d'évènements sont organisés en marge de cette exposition qui prendra fin le 17 octobre. Au restaurant « Seize », on peut voir une collection d'affiches de films n’ayant pas abouti intitulée « Invisibles », et assister à la réalisation d’une fresque signée de la finlandaise Terhi Ekebom, également exposée au Gymnase.
L’étape bisontine des 24 heures de la BD réunira les dessinateurs locaux pour les faire concourir ensemble. Des rencontres sont également au programme : avec Loïc Gaume et Gilles Rochier pour des workshops avec des collégiens et des lycéens , avec Ronald Grandpey, Xavier Guilbert ou Pacôme Thiellement pour des rencontres / conférences au cinéma de la Scène nationale –Kursaal) ou à l’Université, avec Tanxxx à la librairie l’autodidate, mais aussi avec des auteurs qui ne figurent pas dans l’exposition comme Emmanuel Guibert, Nancy Pena, Lucas Varela et Jonathan Larabie.
- Ce jouet optique inventé en 1832 donne une illusion de mouvement en raison de la persistance des images sur la rétine.