Une jeune femme derrière une feuille de soins regarde une pile de médicaments et d'argent.
Ludovic Godard
Auteur 
Delphine Gosset

Comment maîtriser les dépenses de santé ?

Un nouveau projet de loi sur le financement de la sécurité sociale a été présenté fin septembre. La question récurrente de la maîtrise des dépenses de santé a justement fait l’objet d’un débat lors de la 11e université d’été en santé publique à Besançon, à travers une comparaison des systèmes d’assurance maladie français et suisse.

Dans le cadre de son université d’été francophone, l’UFR Sciences médicales et pharmaceutiques reçoit chaque année au mois de juillet des spécialistes de la santé publique venus du monde entier pour se former et échanger sur leurs pratiques. Entre deux sessions de cours, des débats ouverts permettent de dialoguer autour de questions d’actualité. Le 1er juillet, l’un de ces grands débats portait sur la maîtrise des dépenses de santé. Deux invités, Agnès Bocognano, directrice déléguée santé à la Mutualité française et Stéphane Rossini, professeur en administration publique et sciences sociales aux universités de Genève et de Neuchâtel, ont croisé leurs regards sur les systèmes d’assurance santé français et suisse.

Une assurance maladie obligatoire, des systèmes différents

En Suisse, il existe depuis 1996 un système d’assurance maladie obligatoire, avec plus de 61 assureurs privés entre lesquels les patients doivent choisir. Les primes d’assurance dépendent des cantons et non des revenus des individus. Une famille avec cinq enfants, par exemple, paye cinq fois. « La Suisse a un très bon système de santé, il y a une bonne qualité et densité d’offre mais celle-ci est chère et inégale », explique Stéphane Rossini. Agnès Bocognano rappelle le principe du modèle français : « En France, on cotise selon ses moyens et on reçoit selon ses besoins. Ce système de sécurité sociale mis en place en 1945 permet de financer 75 % des dépenses de santé. C’est un système qui fonctionne, les soins sont nombreux et répartis de manière plutôt satisfaisante si on compare à la situation dans d’autres pays ». Cependant, la question de la maîtrise des dépenses se pose régulièrement dans les deux pays.

Des paradoxes

Stéphane Rossini fait remarquer qu’aujourd’hui, en Suisse, l’assurance maladie n’a aucun intérêt à maîtriser les coûts dans la mesure où les cotisations augmentent chaque année. « Par ailleurs, la concurrence revient cher : près de 200 millions de francs suisses sont dépensés en publicité chaque année par les caisses. » L’intervenant mentionne également un système administratif complexe et coûteux destiné à rendre « loyale » cette concurrence : les assurances qui prennent en charge davantage de patients à risque se voient reverser des cotisations par les autres. « Ce sont ainsi 6 milliards de francs suisses qui transitent entre les caisses chaque année », explique-t-il. Stéphane Rossini est également député à l’assemblée fédérale suisse et partisan d’un système de sécurité sociale unique et public, à la française. Une idée qui a été refusée par 64 % des Suisses, le 28 septembre, lors d’une votation populaire.

Le système français n’est pas exempt de paradoxes : si la grande majorité de la population (96 %) prend une assurance complémentaire, c’est davantage pour le remboursement de prestations comme les soins dentaires ou optiques, que pour couvrir le ticket modérateur qui n’est pas pris en charge par l’assurance obligatoire. Or, pour ces prestations, les prix ne sont pas encadrés. « Il y a une forme d’incohérence dans ce système : plus la sécurité sociale rembourse, plus les mutuelles remboursent, et plus les opticiens augmentent leurs prix, ce qui, en l’absence de régulation, est tout à fait logique… C’est ainsi qu’on voit malheureusement des gens renoncer aux soins malgré la sécurité sociale », souligne la directrice de la Mutualité française.

Qui faut-il responsabiliser ?

Une personne dans la salle fait remarquer qu’il est difficile, pour l’assuré, de s’informer sur les différents tarifs pourtant extrêmement variables et de les négocier. D’un fournisseur de verres de lunettes à l’autre, les différences de marge peuvent en effet avoisiner les 40 %. Agnès Bocognano conclut : « Il faut faire appel à la responsabilité de tous les acteurs et pas seulement celle des patients et des médecins. L’État pourrait décider de reprendre ses pouvoirs et de définir les tarifs des prestations sur les actes qu’il rembourse. »

Un autre participant met l’accent sur le prix faramineux de certains médicaments. Il fait allusion à un nouveau traitement de l’hépatite C dont le coût représente 58 000 euros par patient pour trois mois. Si les entreprises pharmaceutiques justifient ces prix par le financement de leur recherche et développement, la situation représente un véritable dilemme en matière de santé publique : comment faire bénéficier les nombreux patients atteints par cette maladie d’un traitement efficace mais ruineux ? Un problème qui commence à être pris en compte, puisque le projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté le 29 septembre envisage de demander à ces entreprises de reverser à la sécurité sociale un pourcentage de leur chiffre d’affaires, au-delà d’un certain seuil de bénéfices.

Un amphithéâtre plein d'adultes. Trois personnes sur l'estrade.
Omar Brixi tient un micro devant le public.
Agnès Bococagno parle dans un micro.
Stéphane Rossini.
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