Une avancée majeure dans la recherche contre le cancer du sein triple négatif
Le professeur Georges Herbein et son laboratoire EPILAB de l’université viennent d’isoler deux souches de cytomégalovirus (CMV) provenant de cancers du sein triple négatif. En mars, ils avaient établi un lien de causalité entre virus et cancer. Le cytomégalovirus serait le 8ème virus oncogène. Des découvertes prometteuses dans la recherche contre ce cancer du sein agressif, avec l’espoir d’un vaccin.
C’est une découverte qui pourrait avoir de grandes conséquences dans la lutte contre le cancer du sein triple négatif et même par la suite contre d’autres cancers. Le laboratoire de l’université EPILAB vient d’isoler deux nouvelles souches de cytomégalovirus (CMV) provenant de cancers du sein triple négatif.
Georges Herbein, médecin biologiste et virologue au CHU de Besançon et à l’Université de Franche-Comté travaille sur le cytomégalovirus (CMV), de la famille des herpèsvirus, avec son laboratoire depuis de nombreuses années. EPILAB (Unité de recherche 4266) de l’université de Franche-Comté est le seul laboratoire à effectuer des recherches sur ce sujet en France, et fait partie de la petite quinzaine d’unités de recherche dans le monde qui y travaillent.
15 % des cancers sont provoqués par un virus
Le laboratoire EPILAB a découvert un lien de causalité direct entre le CMV et le cancer du sein. Une découverte qui a mis du temps à éclore car le début des travaux remonte à 2009. « L’université m’a permis d’aller au bout de ce travail, de prendre le temps. Ailleurs, on demande d’aller plus vite et de publier rapidement. Pour ça je suis très reconnaissant » assure le professeur Herbein. Des recherches longues mais nécessaires puisque les résultats de ces travaux sont majeurs. On sait aujourd’hui que 15 % des cancers sont directement provoqués par des virus. Sept d’entre eux sont clairement identifiés comme oncogènes, c’est-à-dire à l’origine des cancers humains. Par exemple le virus de l’hépatite B qui peut être à l’origine du cancer du foie, ou aussi le papillomavirus responsable du cancer du col de l’utérus.
On a trouvé le 8ème virus oncogène
Des protéines et des gènes du CMV ont été trouvés dans les cellules cancéreuses notamment lors des biopsies de cancers du sein, du colon, de la prostate, de l’ovaire et du cerveau. Ceci ne prouvait pas que le CMV était la cause du cancer, seulement qu’il pouvait surinfecter la tumeur. Au contraire des autres travaux publiés dans ce domaine, l’équipe du professeur Herbein a décidé dès le début de déterminer l’impact du CMV sur la cancérisation cellulaire. Ainsi les cellules épithéliales mammaires humaines saines ont été mises en contact avec le CMV. Et le résultat est là : les cellules infectées en culture montrent des signes de cancérisation et entraînent l’apparition de tumeurs lorsqu’injectées à des souris. Ceci indique que le CMV est un virus oncogène. « Nous avons un faisceau d’arguments convaincants indiquant que le CMV est le 8ème virus oncogène. Comme pour les autres virus oncogènes humains il semblerait que seules certaines souches de CMV soient oncogènes» estime le professeur Herbein.
Les deux premières souches oncogènes de CMV avaient été isolées dans des liquides biologiques en 2018 et 2021 par le laboratoire EPILAB. Aujourd’hui, en isolant deux nouvelles souches directement à partir de tissu provenant de cancers du sein triple négatif, l’équipe du Pr. Herbein renforce l’établissement du CMV comme virus oncogène*.
La piste d’un vaccin
Le CMV serait donc un facteur déclenchant du cancer, notamment le cancer du sein triple négatif. Ce type de cancer du sein est très agressif, plus résistant aux traitements, et représente 15 % des cas de cancer du sein, soit environ 9 000 femmes par an en France.
De nouveaux traitements sont activement recherchés pour combattre ce cancer du sein de mauvais pronostic. A côté des traitements conventionnels du cancer (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie) utilisés pour traiter les cancers de mauvais pronostic tel que le cancer du sein triple négatif, des traitements anti-CMV ont été utilisés en Suède pour ralentir le glioblastome, un cancer du cerveau très agressif pour lequel le rôle du CMV comme facteur favorisant a été évoqué. On pourrait donc envisager de tester ces traitements anti-CMV dans les cancers du sein triple négatif.
Mais il existe un deuxième axe à évaluer, et pas des moindres : le vaccin. Des vaccins contre des virus oncogènes existent déjà, notamment contre le papillomavirus et contre le virus de l’hépatite B. EPILAB travaille actuellement sur un vaccin anti-CMV en collaboration avec l’équipe INSERM 1098 RIGHT du professeur Olivier Adotevi, oncologue et immunologiste au CHRU de Besançon et à l’université. La découverte de ces deux nouvelles souches oncogènes de CMV participera très certainement au développement de vaccins plus efficaces pour combattre certains cancers de très mauvais pronostic comme le cancer du sein triple négatif et le glioblastome.
*Nehme Z. et al. Polyploid giant cancer cells, EZH2 and Myc upregulation in mammary epithelial cells infected with high-risk human cytomegalovirus. eBioMedicine 2022