Gilles Vuidel
Léa Courvoisier
Auteur 
Léa Courvoisier

Rencontre avec Gilles Vuidel

«  Bonjour je m’appelle Gilles Vuidel, informaticien dans le laboratoire de géographie ThéMA1 à Besançon depuis 15 ans. Mon travail consiste à répondre aux besoins en informatique des chercheurs, post-doctorants et doctorants. »

Quel est votre rôle et comment travaillez-vous ? 

J’agis à plusieurs « niveaux » :

  1. Je viens en soutien technique, sur la manière de mettre en place des traitements informatiques.
  2. J’accompagne les chercheurs et les doctorants dans le choix des modèles et des traitements à réaliser. C’est-à-dire qu’ils ont leurs idées, mais ne savent pas toujours comment les traduire au niveau du traitement informatique.
  3. Je conçois avec eux de nouveaux modèles, une création d’outils inédits en quelque sorte, en partant du réel. La problématique qui se pose est :  comment traduire le réel dans un modèle conceptuel, qui sera ensuite traduit en modèle informatique ?

C’est dans ce cadre-là que j’ai développé de nombreux logiciels durant ces 20 ans, une quinzaine, dont une douzaine sont disponibles en téléchargement en open source.

Quelles sont vos grandes thématiques de recherche, et à quels besoins répondez-vous ?

Je suis en appui informatique sur des thématiques variées comme les réseaux écologiques et la préservation de la biodiversité, la simulation des villes, l’aménagement fractal, l’analyse du paysage et la cartographie transformationnelle.

Nous travaillons par exemple sur la modélisation des réseaux écologiques. L’objectif est de visualiser sous forme de réseau les espaces naturels qui abritent des habitats d’espèces animales. C’est important que ces espaces naturels soient connectés et que les animaux puissent se déplacer pour le maintien de la diversité génétique des populations, ou, s’il y a des extinctions, pour que ces espaces puissent être recolonisés.

Notre but est de modéliser ces réseaux écologiques, mais pas seulement pour en faire une représentation cartographique : on conçoit un modèle pour expérimenter et simuler des changements dans l’usage des sols (comme la construction d’infrastructures routières, de lignes à grande vitesse, de zones d’activités, etc.), et mesurer leurs impacts écologiques. A partir de ces mesures, nous sommes en capacité de voir comment ces impacts peuvent être modifiés, évités en partie ou atténués.  

Le logiciel qui traite de cette problématique s’appelle Graphab (logiciel disponible en open source et documenté). Cet outil permet aux chercheurs impliqués dans les réseaux écologiques d’améliorer continument les méthodes, pour que celle-ci représentent le mieux possible les processus biologiques comme la dispersion au sein des populations animales.

Au niveau opérationnel, l’outil commence à être bien utilisé dans les sphères professionnelles de l’aménagement et de la conservation.  Pour faciliter la prise en main du logiciel et des méthodes sous-jacentes, nous proposons trois formations par an, se déroulant sur deux jours. Ces formations attirent autant des personnes issues du domaine académique que des professionnels du domaine (bureaux d’études, associations naturalistes, grandes entreprises).

 

Qu’est-ce qui vous anime dans la recherche et dans vos projets ?

Ce que j’aime beaucoup dans mon travail, c’est que je viens en soutien aux chercheurs. Je leur apporte tout l’appui nécessaire en termes d’outillage informatique et de méthodes issues de l’informatique.

Je suis également très content d’être dans un laboratoire qui n’est pas un laboratoire d’informatique, dans lequel je ne fais pas de l’informatique pour l’informatique. Je mets en pratique cette discipline pour répondre à des questions thématiques de géographie, dans un cadre initialement éloigné de l’informatique. C’est donc la traduction en modèle informatique de problématiques de recherches en géographie ou plus globalement en sciences humaines et sociales qui m’intéresse tout particulièrement.

 

Pourquoi avoir choisi la géographie comme discipline ?

Ça a été le choix du hasard, mais ça me plaît beaucoup ! Déjà très jeune, j’étais passionné par l’informatique. J’ai fait un DUT dans cette filière, car je souhaitais faire des études courtes. Puis, en DUT, j’ai découvert l’intelligence artificielle, par mes intérêts personnels, et c’est cette passion qui m’a conduit à aller vers la recherche.

J’ai effectué mon stage de DUT dans le laboratoire de géographie de Strasbourg (Laboratoire Image, Ville et Environnement). C’est ainsi que je suis arrivé dans le domaine de la géographie.
Ensuite j’ai continué mes études d’informatique à l’université et je travaillais en même temps au laboratoire de géographie de Strasbourg. Puis, par le biais de connaissances, j’ai commencé à travailler indirectement pour les géographes de Besançon. Je suis passé par Paris pour suivre une formation en intelligence artificielle avant d’intégrer finalement le laboratoire ThéMA de Besançon.

 

Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui souhaitent se lancer dans la recherche ?

De faire ce qui les passionne et d’être curieux et ouvert d’esprit. Ce conseil s’applique finalement à tous les métiers !

 

Gilles Vuidel a récemment été récompensé pour ses travaux en recevant la médaille de Cristal du CNRS. Elle est remise chaque année à des personnels d’appui à la recherche, qui par leur créativité, leur maîtrise technique et leur sens de l’innovation, contribuent aux côtés des chercheurs et des chercheuses à l’avancée des savoirs et à l’excellence de la recherche française.

Un grand merci Gilles pour cet entretien !

(1) ThéMA est un laboratoire de recherche spécialisé en géographie théorique et quantitative. Au sein de la COMUE Bourgogne Franche-Comté, il associe le CNRS et les universités de Bourgogne (site de Dijon) et de Franche-Comté (site de Besançon, siège de l’UMR). Le laboratoire s’organise en trois axes thématiques : Paysage et cadre de vie, Mobilités, Ville et Transports et Intelligence Territoriale