L’Arctique entre glace, neige et eau
À 78° de latitude nord, là où les conditions météorologiques sont extrêmes, les dynamiques du manteau neigeux sont une préoccupation de premier plan pour les chercheurs.
À mi-chemin entre le nord de la Norvège et le Pôle Nord, dans un archipel au nom de bande dessinée, le Svalbard, Éric Bernard mesure sur l’île du Spitsberg le bilan de masse du glacier Austre Lovén, les volumes de neige de son bassin de 10 km2, et s’inquiète des transformations de la zone périglaciaire.
Chercheur CNRS au laboratoire ThéMA de l’université de Franche-Comté, Éric Bernard poursuit la quête arctique dans la lignée des géographes du laboratoire qui l’ont précédé, tels Madeleine Griselin, Thierry Brossard et Daniel Joly. Les chercheurs s’intéressant à l’Arctique ne représentent qu’une petite communauté en France, et l’aura de Paul Émile Victor plane sans doute toujours sur sa Franche-Comté natale… « Nous avons réinstrumentalisé le glacier en 2007, avec des stations photo automatiques, des balises à glace et des capteurs de température, et d’autres techniques nous sont très utiles. » Comme la photogramétrie, qui permet de mesurer des volumes de neige à partir de photos prises par des drones et des cerfs-volants. « La hausse des précipitations liée à une hausse des températures signifie une plus grande accumulation de neige à partir de certaines altitudes. Ce sont des dynamiques nouvelles dont les interactions avec le glacier sont encore peu connues », explique Éric Bernard, qui souligne la complexité des mécanismes en jeu.
Huit ans de relevés montrent combien les années peuvent se suivre sans se ressembler. « 2011 et 2013 ont représenté un bilan de masse très négatif pour le glacier, celui de 2014 s’avère positif. Les conditions les plus favorables au glacier sont la combinaison d’un hiver doux et neigeux avec un été frais. » Éric Bernard relève des signes encore peu notoires du réchauffement, comme l’augmentation significative des écoulements sous-glaciaires, à l’interface entre le lit rocheux et le glacier. Autre indicateur, le pergélisol, ou permafrost, un sol gelé en permanence depuis des milliers d’années, voit sa couche active augmenter : l’épaisseur de cette surface sensible au gel et au dégel représente un volume d’eau plus important, qui modifie les rapports hydrologiques et les équilibres.
L’augmentation significative des événements chauds en plein cœur de l’hiver est un autre phénomène. Extrêmement brutaux (la température peut passer de - 15°C à + 2°C puis redescendre sous les - 10°C en quelques heures), ils sont souvent accompagnés de pluies qui créent, par regel, des croûtes de glace dans le manteau neigeux. Les impacts glaciaires en sont encore peu connus mais sur la toundra, ces morceaux de glace rendent l’accès à la nourriture impossible aux herbivores tels que le renne.
Article extrait du dossier « + 2 °C ? » paru dans le numéro 261 de novembre-décembre 2015 du journal en direct.
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Eric Bernard
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