Politiques de l’attachement. Affectivité, langage et égalité autour de la Révolution française
13 Juin 2019
Sophie Audidière de l’université Bourgogne Franche-Comté et Antoine Janvier de l’université de Liège organisent, avec le soutien de la MSHE Ledoux, une journée d’étude dans le cadre du projet de recherche POLIAMOUR (Politiques de l’amour : théories et pratiques de l’attachement (XVIII-XIXe siècle).
Le projet POLIAMOUR interroge la manière dont les liens sociaux ont été conceptualisés et expérimentés avant et après la Révolution française. Il réunit des chercheurs et chercheuses en philosophie, histoire, littérature, avec l’ambition de restituer les représentations et pratiques variées de l’attachement – progressistes, émancipatrices, conservatrices. Les profondes transformations politiques et sociales du XIXe siècle, qui voit l’entrée de la France post-révolutionnaire dans l’ère capitaliste, ont souvent été décrites par les contemporains comme une dissolution des solidarités anciennes au profit d’un individualisme émancipateur mais également porteur de divers maux sociaux, économiques, politiques et spirituels. Les chercheurs se proposent d’envisager la question de l’individualisme post-révolutionnaire sous l’angle des liens affectifs. En effet, le « social » ne renvoie pas seulement à une question socio-économique imposée par le capitalisme, ni à la dimension juridique de la citoyenneté et au combat pour sa conquête universelle. Il désigne aussi un problème présent dès le XVIIIe siècle, qui obsède la pensée politique moderne, explose au XXIe siècle, et qu’on peut nommer le problème du lien. C’est lui qui donne naissance aux sciences sociales, particulièrement l’histoire et la sociologie modernes, qui se donnent pour objets des collectifs humains qui tiennent ensemble sur un temps long, non sans conflictualité. Dans ce moment qu’Eric Hobsbawm a appelé « l’ère des révolutions », comment les liens des familles, de l’amitié, de l’amour, comment les liens des ancrages territoriaux, linguistiques, comment les liens religieux, ou les liens de solidarité corporatiste, associative continuent-ils à œuvrer, par différence avec ce que font l’État, le marché, ou la religion d’Ancien Régime ? Comment leurs métamorphoses sont-elles perçues ? comment ces liens sont-ils investis par les théories et les pratiques modernes de l’émancipation, après la Révolution ?
La journée d’étude portera particulièrement sur la dimension politique des affects, et réciproquement la dimension affective des élans politiques, de part et d’autre de la Révolution. Ainsi, il s’agira dans un premier temps de rendre aux projets directement linguistiques exemplaires des Lumières tels que l’Encyclopédie, l’investissement massif de la littérature par la philosophie politique, ou la refondation des normes poétiques et dramatiques, leur dimension explicitement conflictuelle, du côté d’une politique d’émancipation par la langue commune et héritée qu’est la langue vernaculaire (S. Audidière). À l’autre bout de la période, à partir du récit de la révolution française que fait Michelet, on dit généralement que Michelet est celui qui comprend la nécessité d'héroïser l’histoire (la geste, le drame, l'épopée, voire le picaresque révolutionnaire). Si cette dimension est évidemment primordiale, elle n’est pas unique. On ne répondra à l’histoire que par une autre histoire, à une mythologie par une autre mythologie. A la lignée royale, il faut substituer la pluralité chorale des voix du peuple, à la Bible, la bibliothèque, à l’élection, le suffrage. Comment se créent ces attachements ? Par quels symboles ? C'est ce que nous nous proposons de rassembler sous le concept d'une « érotico-politique » (J. Pasteur). Enfin, on s’approchera de l’affect démocratique qui travaille ce temps long dans une analyse des débats autour du cadastre en France : le désir d’égalité. On verra comment cet affect politique instaure un rapport particulier au temps, entre impatience et urgence (J. Vincent).
Horaires
13h30
Lieu
Université de Liège