Une seringue et un flacon
Ludovic Godard
Auteur 
Delphine Gosset

Un vaccin thérapeutique pour combattre le cancer

Une équipe de médecins et de chercheurs bisontins travaille sur une méthode de traitement du cancer qui fonctionne comme un vaccin. Son principe : apprendre au système immunitaire à reconnaître une enzyme caractéristique des cellules cancéreuses. Les premiers essais avec des patients vont débuter cet été.

Les cellules cancéreuses ont la particularité de se multiplier à l’excès et de ne pas mourir alors qu’elles sont, comme les autres, programmées pour disparaître. Dans la plupart des cas, le système immunitaire les détecte et les élimine. Ce n’est que lorsqu’elles échappent à son contrôle que le cancer se déclare.

Mis à part la chirurgie, plusieurs traitements conventionnels sont utilisés, éventuellement de manière combinée, pour lutter contre les tumeurs. Le principe de la radiothérapie est de tuer ces cellules malades, plus fragiles, en les chauffant. La chimiothérapie vise à empêcher leur prolifération. Les thérapies ciblées agissent au niveau moléculaire pour bloquer certains mécanismes spécifiques de ces cellules.

La communauté scientifique ne cesse de rechercher de nouveaux traitements et de gros progrès ont été faits ces dernières années dans le domaine de l’immunothérapie. Celle-ci consiste à agir sur le système immunitaire, autrement dit, sur les défenses naturelles de l’organisme, pour accroître leur efficacité. « De façon générale, il existe peu de médicaments qui guérissent vraiment, fait remarquer Christophe Borg, oncologue. La plupart d’entre eux, y compris les antibiotiques, ne seraient pas efficaces sans l’intervention du système immunitaire.»

Une enzyme universelle

Mais comment mettre au point une stratégie d'immunothérapie alors que chaque cancer est différent et qu’aucun patient n’a le même système immunitaire ? Olivier Adotevi,  oncologue au CHRU1 et chercheur au laboratoire Interactions hôte-greffon-tumeur et ingénierie cellulaire et tissulaire, s’est intéressé à la télomérase, une enzyme dite « universelle » car on la retrouve dans tous les types de cancers2. Cette enzyme permet de rallonger l’extrémité des chromosomes (ou télomère) qui normalement se raccourcit progressivement jusqu’à déclencher la mort cellulaire. Si les cellules cancéreuses deviennent immortelles, c’est parce qu’elles la produisent en quantité3.

L’idée des médecins du CHRU et chercheurs de ce laboratoire est d’apprendre au système immunitaire à reconnaître les cellules contenant cette enzyme pour les détruire, tout comme un  vaccin classique aide l’organisme à produire des anticorps contre certaines maladies. L’équipe du docteur Adotevi a réussi à identifier plusieurs parties de la télomérase qui sont reconnues de manière spécifique par une famille de globules blancs (les lymphocytes T). Ces travaux ont donné lieu à un dépôt de brevet en 2012 par un consortium incluant le CHRU de Besançon et l’UFC.

Ils ont ainsi élaboré un vaccin thérapeutique anti-télomérase dont l’originalité, par rapport à d’autres vaccins du même type également à l’étude, est d’agir sur une catégorie particulière de lymphocytes T qui vont coordonner et cibler la réponse immunitaire contre la tumeur. Le vaccin présente aussi l’avantage d’instaurer une mémoire dans l'organisme avec des effets qui persistent dans le temps4.

Premiers essais

Après des tests in vitro sur des cellules humaines puis sur des modèles animaux qui ont donné des résultats positifs, l’équipe va passer aux essais cliniques sur des patients. Les protocoles d’essais thérapeutiques comprennent plusieurs phases, la première consistant à vérifier le caractère non toxique du produit. Ce vaccin va d'abord être testé chez des personnes atteintes de cancers du poumon métastatiques5 qui ont déjà reçu sans succès les traitements standard. Cette étude inclura 54 patients des hôpitaux de Besançon, Dijon, Strasbourg et Paris, et débutera à l'été 2015. Elle donnera aussi aux chercheurs l'occasion d'expérimenter un test qu'ils ont mis au point pour analyser précisément la réponse immunitaire des patients et déterminer ceux pour lesquels le vaccin présenterait le meilleur bénéfice.

À terme, l’efficacité de ce nouveau vaccin baptisé UCPVax pourrait être également testée sur d’autres types de cancer. « Nous n’avons pas la prétention d’élaborer un produit miracle qui remplacerait les traitements existants, précise Christophe Borg, mais plutôt de trouver des moyens d’induire une collaboration entre les défenses naturelles de l’organisme et la chimiothérapie, pour augmenter son  efficacité. »

L’étude clinique qui va débuter est coordonnée par le CHRU de Besançon et son Centre d’investigation clinique (CIC). Elle a été financée par le ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes.

  1. Centre hospitalier régional universitaire.
  2. La découverte de cette enzyme a valu, en 2009 ; le prix Nobel de médecine à Elizabeth Blackburn, Carol Greider et Jack Szostak.
  3. On la retrouve aussi dans certaines cellules saines, les cellules souches, mais seulement à une période de leur vie et en quantité nettement moindre.
  4. D’autres études ont mis en évidence une réponse immunitaire anti-télomérase importante chez des personnes en rémission.
  5. Le cancer du poumon est la première cause de mortalité par cancer en France et dans le monde. On a compté 39 400 nouveaux cas en 2015 et le nombre de cas féminins qui ne cesse d’augmenter.

Contact

Olivier Adotevi
03 81 66 93 51
olivier.adotevi@univ-fcomte.fr

Christophe Borg
03 81 66 93 21/56 15
christophe.borg@univ-fcomte.fr

Virginie Westeel
03 81 66 88 04
virginie.westeel@univ-fcomte.fr

Laboratoire Interactions hôte-greffon-tumeur et ingénierie cellulaire et génique

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