Vue de panneaux solères et d'une comète
CNES / ESA
Auteur 
Delphine Gosset

Rosetta sème le trouble sur les origines de l’eau terrestre

D’où vient l’eau sur Terre ? Les premières mesures envoyées par la sonde Rosetta ne confirment pas l'hypothèse selon laquelle les comètes seraient seules responsables de la formation des océans. Olivier Mousis, chercheur à l'institut UTINAM, a participé à l'interprétation de ces résultats.

Si les comètes intéressent tant les chercheurs, c’est parce qu’elles recèlent des indications essentielles sur les origines du système solaire. Elles sont en effet nées il y a 4,6 milliards d’années, en même temps que les planètes et les astéroïdes, à partir d’un nuage de gaz et de poussière appelé nébuleuse protosolaire. Chacun de ces corps célestes a évolué sous l’effet des rayonnements solaires. Les comètes, plus éloignées, auraient conservé une composition proche de leur état primitif.

Parmi les questions auxquelles la communauté scientifique tente de répondre figure celle de l’origine de l’eau sur Terre. Lors de la formation de notre planète, la température était tellement élevée que, si eau il y avait, elle aurait forcément bouilli et se serait évaporée. Comment expliquer alors que les deux tiers de sa surface soient recouverts par des mers et des océans ? Selon l’hypothèse la plus plausible, cette eau aurait été apportée par des corps célestes : comètes et/ou astéroïdes rentrés en collision avec la Terre. La question de savoir lesquels de ces objets ont joué un rôle essentiel fait encore débat.

L’un des moyens d’éclaircir ce mystère repose sur l’analyse de l’eau qu’ils contiennent. On s’intéresse en particulier au ratio deutérium1 / hydrogène, que l’on compare avec celui qui caractérise l’eau des mers et océans terrestres. C’est justement ce qu’a mesuré l’instrument ROSINA2 de la sonde Rosetta qui suit depuis début août la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. Olivier Mousis, enseignant à l’UFR ST et chercheur à l’institut UTINAM, a contribué à la compréhension et à l’interprétation des données fournies par ce spectromètre3. « Le ratio deutérium / hydrogène est un traceur fondamental, explique-t-il. On connait sa valeur dans les océans terrestres. On peut donc déterminer le pourcentage d'eau apportée à la Terre par une comète de type Churyumov-Gerasimenko si on connait la valeur de ce rapport dans les autres réservoirs. »

L'une des mesures les plus attendues de la mission Rosetta

Les premiers résultats envoyés par Rosetta montrent que l’eau de cette comète a un ratio deutérium / hydrogène plus de trois fois supérieur à celui des eaux terrestres. « C'est l'une des mesures les plus attendues de la mission Rosetta », commente l'astrophysicien. Jusqu’à présent, parmi les onze comètes ayant fait l’objet d'analyses du même type, seule celle de Hartley avait révélé en 2011 une composition semblable à celle de la Terre, relançant l'idée de la responsabilité des comètes dans la formation des océans. Ce nouveau résultat ne corroborre pas cette hypothèse.  

Le rôle joué par les astéroïdes pourrait donc être plus important qu'on ne l'a cru au cours des dernières années. Ils contiennent en effet une eau dont la composition correspond davantage à celle de la Terre, quoiqu'en quantité moindre que dans les comètes. Il est possible qu’ils aient apporté beaucoup d'eau sur terre, si les collisions ont été suffisamment nombreuses.

Olivier Mousis va continuer à participer à cette mission, en tant que spécialiste de la formation planétaire. « Je suis membre de l’équipe ROSINA mais aussi de l’équipe PTOLEMY, du nom d’un autre spectromètre de masse situé sur le lander Philae. Pour le moment, celui-ci est terré dans l’ombre mais j'espère qu'il pourra fonctionner à nouveau d’ici quelques semaines. Rosetta se rapproche du Soleil dont elle sera le plus proche en août prochain. D'ici là, on devrait voir de plus en plus de molécules exotiques… De nombreuses découvertes restent à faire ! » commente-t-il, enthousiaste.

  1. Le deutérium est une forme d’hydrogène qui contient un neutron supplémentaire.
  2. ROSINA signifie Rosetta Orbiter spectrometer for Ion and Neutral Analysis. Il contient deux spectromètres de masse différents.
  3. Cette étude internationale a impliqué, côté Français : le CNES, le CNRS, et les universités Toulouse III – Paul Sabatier, Pierre et Marie Curie, Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Orléans, de Lorraine et de Franche-Comté.

Sources :
Rosetta fuels debate on origin of Earth's oceans
http://sci.esa.int/rosetta/55116-rosetta-fuels-debate-on-origin-of-earth...
Rosetta : les premiers résultats de l'instrument ROSINA
http://www.insu.cnrs.fr/node/5115

Contact

Olivier Mousis
03 81 66 69 21
olivier.mousis@obs-besancon.fr

Institut UTINAM

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