Accessibilité Internet pour les personnes déficientes intellectuelles
ADAPEI du Doubs

Rendre le web accessible aux personnes handicapées mentales

L'accessibilité ne concerne pas seulement les lieux publics ; elle passe aussi par les sites Internet. Une évidence désormais mise en pratique à l’Adapei du Doubs grâce au travail de Juliette Boiteux, alors étudiante du département Métiers du multimédia et de l’Internet (MMI) de l’IUT de Belfort-Montbéliard. Un an après le lancement du projet, entretien avec la jeune diplômée1 et Pierre-Marie Bonnot, chargé de communication à l’Adapei.

Pourquoi ce projet ?

Pierre-Marie Bonnot : Le 1er avril 2013, les sept Adapei2 du département du Doubs ont fusionné en une seule entité, l’Adapei du Doubs. Cette nouvelle association est devenue l’une des trois plus importantes Adapei de France, avec 3 500 personnes handicapées mentales accompagnées par 1 600 professionnels. L’une de nos priorités a été de nous doter de supports de communication, notamment d’un site Internet institutionnel. Mais nous nous sommes rapidement rendu compte que si ce site offrait une information d’ordre général aux parents et professionnels, il n’était pas du tout adapté au public accueilli, à savoir les personnes handicapées mentales. L’Adapei du Doubs prône l’accessibilité universelle, c’est-à-dire que tout doit être accessible à tous, bâtiments, accueil… et, par extension, le web. D’où le travail que nous avons mené avec Juliette Boiteux, alors étudiante en DUT Métiers du multimédia et de l'Internet à l'IUT de Belfort-Montbéliard.

Quelles ont été les différentes étapes ?

Pierre-Marie Bonnot : Il était indispensable que les personnes handicapées soient associées à ce projet, et ce au plus tôt. Mais il fallait un premier jet pour amorcer la démarche. Juliette a réfléchi à quelques maquettes et à des séries de pictogrammes. Les personnes handicapées ont ensuite été sollicitées pour donner leur avis sur les maquettes, identifier les points négatifs, être forces de proposition concernant le contenu et les rubriques. Une fois ces éléments affinés, le site a été proposé plus largement dans des ateliers informatiques et a ainsi pu être amélioré davantage, tant au niveau de son ergonomie (sonorisation) que de son contenu.

Comment avez-vous travaillé avec les partenaires, les usagers et les accompagnants ?

Juliette Boiteux : Nous avons travaillé ensemble du début à la fin. C’est grâce à cet effort commun que le site a pu voir le jour. Nous avons demandé aux futurs usagers de transmettre leurs envies et nous avons fait des tests pour voir si nos contenus retenaient leur attention.

Pierre-Marie Bonnot : Le plus dur a été de garder la distance nécessaire pour ne pas décider à la place des personnes handicapées. Ce site est le leur, avec un contenu qui les intéresse directement. Ce n’est pas le contenu auquel nous aurions pensé naturellement, et c’est ce qui fait toute la force de ce site. Les professionnels ont également donné des indications précieuses sur les difficultés que ce public pouvait rencontrer (maniement de la souris et des barres de défilement, navigation dans les pages…).

En quoi ce site est-il accessible aux personnes déficientes intellectuelles ?

Juliette Boiteux : La navigation fonctionne par pictogrammes et par codes couleur. Chaque page a la même structure (seule la couleur change en fonction du thème). Des boutons de navigation se trouvent en bas de chaque page. Tout le site est écrit de façon à être facile à lire et à comprendre : les phrases sont courtes et directes, avec une taille de police élevée.

Est-il également adapté aux déficients visuels ?

Juliette Boiteux : Oui, il leur est adapté grâce à un dispositif de lecture de la page. Les voix enregistrées sont celles de personnes accueillies à l’Adapei. Ce dispositif est également mis en place pour les personnes qui ne savent pas lire, et les articles sont illustrés, ce qui permet de comprendre les contenus sans avoir à les lire.

Le numérique participe-t-il à l’intégration des personnes déficientes intellectuelles ? Internet facilite-t-il leur vie ?

Pierre-Marie Bonnot : Notre environnement est de plus en plus régi par l’informatique, le web, et on remarque encore trop souvent que c’est à la personne de s’adapter à la technologie, et non la technologie qui s’adapte à la personne, à son handicap. Nous avons donc pour mission d’accompagner les personnes vers ces technologies, pour qu’elles puissent en profiter, mais qu’elles en évitent également les pièges (dérives sur les réseaux sociaux par exemple).

Juliette Boiteux : Nombreux sont les sites complexes avec des navigations multiples. Le numérique peut repousser les personnes déficientes intellectuelles, c’est pourquoi des sites adaptés sont en train de voir le jour.

Quels sont les retours au bout d’un an ?

Pierre-Marie Bonnot : Le travail d’appropriation par les équipes prend un peu de temps mais ça y est, les choses bougent. À titre d’exemple : une semaine de sensibilisation auprès de 500 travailleurs handicapés mentaux est prévue en octobre, à Étupes [NDLR : près de Montbéliard] . Nous avons eu les honneurs de la presse spécialisée du secteur médicosocial, avec deux articles, un dans la revue Vivre ensemble de notre union nationale Unapei, et un dans la revue Juris associations. Ces articles ont amené d’autres Adapei à nous contacter.

Juliette Boiteux : Nous obtenons de nombreux retours positifs et nous avons remporté l'étape régionale des Victoires de l’accessibilité. Et Pierre-Marie s'occupe de la pérennité du site avec succès !

Quelles sont vos attentes à présent ?

Pierre-Marie Bonnot : La maquette graphique est remarquable et Juliette a fait un travail très pointu, sachant toujours comprendre et mettre en images les attentes des personnes handicapées mentales. Aujourd’hui, il nous faut travailler sur l’interface d’administration du site, pour permettre à des personnes de l’ensemble des 80 établissements et services de l’Adapei du Doubs de mettre du contenu en ligne : créer des modules simples d’utilisation, pour qu’une personne, une fois identifiée, puisse modifier des contenus sur le site. C’est le travail qui sera réalisé en septembre par un étudiant en licence professionnelle Webdesign.

  1. Juliette Boiteux, aujourd’hui titulaire d'un DUT MMI, vient de terminer sa 3e année à l’institut de l’Internet et du multimédia (IIM) à Paris-La Défense et son stage de 6 mois de directrice artistique junior dans une agence digitale parisienne. Cette année, elle prépare, toujours à l’IIM, un master Manager de la communication numérique, option communication visuelle à l'international (en Finlande puis dans d’autres pays, jusqu'en 2017).
  2. Association départementale de parents et amis de personnes déficientes intellectuelles

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IUT Belfort-Montbéliard