Conférence croisée sur les sciences sociales et la musique "metal"
P. Cremin

Qui sont les amateurs de metal en Franche-Comté ?

Si de nombreuses recherches en sociologie ont déjà été réalisées sur les musiques metal, c’est la première fois que des chercheurs en analyse du discours s’y intéressent. Enquête avec Magali Bigey et Stéphane Laurent du laboratoire ELLIADD.

Pourquoi consacrer des recherches aux « metalleux » francs-comtois ? Avec 595 concerts répertoriés dans la région1, soit 2 % de l’offre nationale, la Franche-Comté apparaît comme un micro-laboratoire. L’offre des concerts de musique metal y est d'ailleurs plus importante que la moyenne nationale. Magali Bigey et Stéphane Laurent sont les premiers chercheurs à s’intéresser au public franc-comtois qui affectionne cette musique. Si les clichés véhiculés sur les aficionados de metal sont nombreux, le but de leur enquête n’est pas de combattre les préjugés, mais de dresser le profil de ces fans électriques et éclectiques.

Histoire d'une enquête

Magali Bigey est maître de conférences en sciences de l'information et de la communication à l’IUT Besançon-Vesoul et chercheuse au laboratoire ELLIADD. Stéphane Laurent, quant à lui, enseigne l’éco-gestion au département Gestion administrative et commerciale des organisations (GACO) de l’IUT Belfort-Montbéliard. Chercheur associé au laboratoire ELLIADD, il est également batteur dans des groupes de hard rock et de metal. En mai 2014, ils ont répondu à un appel à communications pour un colloque sur le heavy metal et les sciences sociales, le premier colloque sur ce thème organisé en France, à Angers, en décembre 2014.

Tous deux ont associé leurs compétences en analyse de la réception et en analyse du discours afin de mieux connaître les amateurs de metal. L’enquête comportait des questions ouvertes sur le rapport des fans à cette musique, sur la manière dont ils définissent le metal et les valeurs qu’ils y associent, comment ils ont commencé à aimer cette musique, les groupes et styles qu’ils écoutent… Le questionnaire a été diffusé sur Internet, notamment via les réseaux sociaux, et par l’intermédiaire du festival Impetus et des scènes locales comme le Moloco et la Poudrière2.

Les fans de metal à la loupe

À partir des réponses recueillies, des profils d’auditeurs et des profils sociaux se sont dessinés. Il en ressort que les enquêtés ont en moyenne 35 ans et qu’une proportion remarquable d’entre eux ont moins de 25 ans. La découverte du metal se fait à 12,5 ans en moyenne, par l’intermédiaire de groupes très divers. « L'amateur de metal est prêt à faire 100 km pour aller à un concert », ajoute Magali Bigey.

Les chercheurs se sont ensuite intéressés aux termes employés dans les réponses. « L’analyse du lexique fournit des indications sur les liens que les fans font entre les différents genres de musique, et entre eux et la musique, observe la chercheuse. L’analyse sémiolinguistique permet d’extraire des ressentis, une façon de se mettre en scène. » Stéphane Laurent ajoute qu’ils ont croisé les questions et comparé les réponses « pour essayer de déterminer des comportements particuliers ». Les résultats font également apparaître des phénomènes de génération.

« On ne peut pas dire qu’il existe un seul public de metal, précise le chercheur, il y a beaucoup de variations et de nombreux styles. On retrouve des esthétiques différentes, du death metal au black metal en passant par le Christian black metal : c’est un champ exploratoire immense. » Cette diversité est une des raisons pour lesquelles Magali Bigey s’est intéressée à ce sujet : « On est confronté à différents publics, réceptions, pratiques, motivations… Quelqu’un qui a écouté Iron Maiden pourrait considérer que Nirvana est un groupe de pop, alors qu’une personne ayant un historique ou un environnement différent pourrait dire que Nirvana produit une musique extrême. C’est ce qui nous donne des indications sur le profil des auditeurs de metal. »

La Franche-Comté, terre de metal

La Franche-Comté n’a pas été choisie par défaut par les chercheurs, comme le souligne Stéphane Laurent : « Le Nord-Franche-Comté a une esthétique orientée metal : cela a forgé l’historique de programmation des salles de musiques actuelles avec le milieu underground. Besançon possède une influence très rock ; à Montbéliard, on remarque une influence punk alternatif ; à Belfort, c’est très metal-electro, tout comme à Vesoul avec Mass Hysteria, Shaka Ponk qui y sont passés tout au début de leur carrière et qui ont marqué le territoire. » Les dirigeants des scènes de musiques actuelles (SMAC) locales sont d’ailleurs très intéressés par les recherches des universitaires et travaillent régulièrement avec eux. David Demange, directeur du Moloco et intervenant au département GACO, a sollicité Magali Bigey et Stéphane Laurent pour une conférence mettant en avant les résultats de leur enquête, pendant le festival Impetus en avril. Conférence qu’ils ont conclue par quelques citations d’enquêtés telles que celle-ci : « le metal, c’est du bruit qui pense ».

Ecoutez l'émission Actu des labos : « qui sont les amateurs de métal? »

  1. Chiffres du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV).
  2. Le Moloco à Audincourt (25) et la Poudrière à Belfort (90) ont été labellisés scènes de musiques actuelles (SMAC) par le ministère de la Culture et de la Communication en novembre 2014.

Contact

Stéphane Laurent
IUT de Belfort-Montbéliard
stephane.laurent@univ-fcomte.fr

Magali Bigey
IUT de Besançon-Vesoul
magali.bigey@univ-fcomte.fr

IUT Belfort-Montbéliard

IUT Besançon-Vesoul (site de Besançon)

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