Portrait de Stella Sotora
Ludovic Godard
Auteur 
Nourhane Bouznif

Objectif Grand Nord

Le 1er avril, Stella Sotorra, étudiante en licence professionnelle en formation continue, s’est envolée pour rejoindre une base de recherche scientifique dans l’Ouest canadien. Durant ses quatre mois et demi de stage, elle va laisser de côté sa vie d’étudiante bisontine pour étudier la faune et la flore d’un parc naturel. Nous l'avons rencontrée avant son départ.

Aussi loin qu’elle se souvienne, Stella Sotorra a toujours été attirée par le monde animal. « À 4 ans, je voulais devenir soigneuse d’orque après une visite au Marineland. Puis en primaire, je me serais bien vu dresseuse de tigres parce que j’étais passionnée par les félins », sourit-elle. Depuis, ses rêves ont bien sûr évolué, mais son intérêt pour la nature et la faune n’a pas diminué.

Après son bac S, la jeune Dijonnaise s’est orientée vers un BTS Gestion et protection de la nature en alternance. Quand elle n’était pas dans le Jura pour suivre les cours, elle travaillait à la Ville de Dijon, au pôle scientifique du Jardin des sciences. « Je m’occupais de la gestion de parcelles du jardin botanique et d’espaces verts de la ville », précise-t-elle. Après ces deux années passionnantes, elle avait envie de se spécialiser dans la gestion des milieux naturels. Elle a alors hésité entre plusieurs licences professionnelles, dont la LP Métiers du diagnostic, de la gestion et de la protection des milieux naturels (LP MINA) de l’UFR Sciences et techniques à Besançon. « J’étais venue aux portes ouvertes pour découvrir la formation. Ce qui m’a décidé, ce sont les deux semaines sur le terrain d’entrée de jeu, un stage plus long que dans les formations similaires, et, bien sûr, la localisation. » Comme elle a suivi son BTS en alternance, Stella a pu s’inscrire à l'université en formation continue. « Au moment de l’inscription en licence, mon contrat avec la Ville de Dijon n’était pas terminé, c'est pourquoi je me suis inscrite en formation continue. Ainsi, c’est Pôle Emploi qui finance mon année et cela me permet d’avoir un statut étudiant tout en touchant le chômage. » Les membres du service Formation continue de l'université l'ont aidée dans ses démarches.

Avant même le début des cours, Stella a une idée en tête : effectuer son stage de fin d’études à l’étranger. « Au départ, mes profs étaient réticents car ils préfèrent que les étudiants se constituent un réseau en France. D’ailleurs, très peu d’étudiants des promotions précédentes avaient fait leur stage dans un autre pays. » Son rêve : partir au Canada en zone anglophone pour améliorer son anglais, découvrir d’autres méthodes de travail et avoir comme terrain d’études les montagnes du Grand Nord. Pour atteindre son objectif, elle s’est retroussé les manches : « J’ai contacté les parcs nationaux, les associations du secteur de l’environnement, contacté des dizaines de chercheurs… » Parmi les mails de réponse, celui de Charles Krebs, éminent scientifique, ancien chercheur de l’université de Vancouver, qui poursuit ses recherches dans une station scientifique située dans la province canadienne du Yukon. « Quand j’ai obtenu ce stage, les profs ont vu que j’étais vraiment motivée, alors ça n’a pas été dur de les convaincre », confie-t-elle.

Charles Krebs lui a conseillé de prendre contact avec une de ses anciennes étudiantes qui avait effectué son stage de fin d'études sur la base de recherche et qui fait à présent une thèse en France. « Le hasard a fait qu’elle est doctorante au laboratoire Chrono-environnement à Besançon ! » Leur rencontre a permis à Stella d'imaginer quel allait être son quotidien pendant ces prochains mois, notamment les neuf heures de décalage avec la France et des températures un peu moins clémentes : « En avril, il fait environ -15° C, il neige jusque fin mai et l’été, le thermomètre monte à 20° C maximum », précise l'étudiante. La base se situe au bord du lac Kluane, à 1 200 km au Nord de Vancouver et à 70 km de l’Alaska. Pour s’y rendre, il faut d’abord prendre l’avion jusqu’à Whitehorse, la grande ville la plus proche, puis effectuer deux heures de route en pick-up. Le premier village se trouvant à 80 km, le ravitaillement se fait par un système de navette. La station est composée de bungalows qui abritent des salles de travail, laboratoires et lieux de vie.

Une trentaine de chercheurs de différentes disciplines y travaillent : météorologues, archéologues, spécialistes du Grand Nord… Charles Krebs, lui, s’y rend depuis 30 ans avec son épouse, chercheuse également, pour étudier la dynamique de population des rongeurs. Il cherche à mettre en évidence l’impact des changements climatiques sur les lemmings, mulots, lapins, écureuils qui peuplent la région. « C’est très intéressant de faire un suivi des espèces, souligne Stella. Pour cela, on pose des pièges, on puce ou on bague les animaux. Les signaux GPS permettent de suivre leurs déplacements et la position des terriers. Je vais également faire des études botaniques, estimer les ressources en nourriture. S’il y a moins de végétaux, logiquement, on observe une baisse de la reproduction et une augmentation de la mortalité. » Une mise en pratique de ses cours d’écologie des populations, de gestion des écosystèmes, de reconnaissances des espèces. Bien sûr, les rongeurs ne sont pas les seuls animaux des environs. Le lac se trouve à 1 000 mètres d’altitude, entouré de glaciers. La faune y est riche : grizzlys, lynx, bisons, caribous, loups, multiples espèces d’oiseaux… « Il est prévu que je fasse une formation en cas d’attaque d’ours ! » s’amuse Stella, qui espère bien avoir l’occasion d’en apercevoir… mais de loin. Son stage devrait lui laisser un peu de temps pour explorer les environs, découvrir le travail des autres chercheurs, peut-être même voyager. Puis, retour en France, « juste à temps pour mon anniversaire et ma soutenance de stage », précise-t-elle.

L'année prochaine, elle s'inscrira peut-être en master pour se spécialiser davantage, ou bien cherchera directement un emploi dans son domaine. « Mon diplôme mène à des postes dans des conservatoires et réserves naturels, parcs nationaux, bureaux d’études, associations de protection de la nature, collectivités… mais aussi à des postes en animation nature et sensibilisation du public. Il y a tellement de choses à faire dans l’environnement et peu de gens le savent ! »

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