Vue de Besançon la nuit, phares des voitures.
Ludovic Godard
Auteur 
Delphine Gosset

Mouvements urbains

Comment éviter une extension urbaine démesurée ? A quoi ressembleront nos villes dans 20 ans ? Qu’est-ce qui nous incite à déménager ? Autant de questions auxquelles des géographes du laboratoire ThéMA s’efforcent de répondre en élaborant des modèles.

Les cités médiévales étaient plutôt compactes : à peine franchi le mur de la cité, on se retrouvait à la campagne. Depuis la motorisation, les grandes villes ont tendance à devenir tentaculaires et même les agglomérations plus petites s’étendent de façon diffuse. Cette
extension urbaine pose des problèmes environnementaux et sociaux : manque de services et commerces en périphérie, usage excessif de la voiture, fragilisation des espaces naturels… Mais comment absorber l’augmentation de la population des villes tout en évitant leur étalement ?

Au sein du laboratoire ThéMA1, les géographes de l’équipe Mobilités, villes et transports, dirigée par Pierre Frankhauser, ont proposé une solution à ce problème : construire à la périphérie selon un schéma fractal. Les formes fractales, à l’image des flocons de neige, reproduisent une même structure à différentes échelles. Selon ce principe, on peut imaginer des villes comportant un centre principal, avec des commerces et des services, puis, à mesure qu’on s’en éloigne, des sous-centres et des sous-sous-centres. Une ville ainsi hiérarchisée, enrichie d’un système efficace de transports en commun, ne subirait pas les problèmes classiques de l’étalement urbain, tout en assurant la présence d’espaces verts à proximité des habitations.

Pour élaborer des projets d’urbanisation correspondant à ce modèle fractal, un logiciel de modélisation, baptisé MUP City2, a été mis au point sous la direction de Cécile Tannier et Pierre Frankhauser. Il a déjà été utilisé pour simuler des scénarios d’urbanisation pour l’agglomération de Besançon et le quartier Tempelhof à Berlin ainsi que dans le cadre de projets de recherche pour le Luxembourg et l’espace Vienne-Bratislava.

La modélisation permet aux géographes d’anticiper l’évolution des villes selon différents scénarios. Si le prix du pétrole augmente, les gens vont-ils déménager pour se rapprocher de leur travail ? Si tout le monde choisit de prendre les transports en commun plutôt que la voiture, quel impact cela aura-t-il sur la ville, à court terme puis dans une vingtaine d’années ? Le projet MOBISIM, mené par Jean-Philippe Antoni, permet de répondre à ces questions. Les chercheurs se basent sur des données anonymes fournies par l’INSEE3 pour connaître les caractéristiques exactes de la population, puis analysent les déplacements quotidiens de chaque individu pour le travail, les études, les courses, les loisirs… Le modèle informatique simule le résultat de l’ensemble des comportements individuels à l’échelle de la ville. MOBISIM va servir à tester de nouveaux concepts en matière d’urbanisme, comme le développement parcs naturels urbains ou l’impact de la création de centres de télétravail dans de petites villes.

Les chercheurs de l’équipe Mobilité, ville et transports analysent également les motivations personnelles des citadins : Qu’est-ce qui les incite à fréquenter ou au contraire à éviter certains lieux ? Quels sont les facteurs qui vont les pousser à déménager pour s’installer dans un autre quartier ? Comment choisissent-ils ce quartier ? Le projet ECDESUP4, qui fait intervenir non seulement des géographes et des psychologues mais aussi des économistes, des urbanistes et même des médecins5, se base sur des enquêtes détaillées menées auprès des habitants de plusieurs villes. Il vise à élaborer un modèle global relatif à la fois aux déplacements quotidiens et aux changements de résidence. Les connaissances issues de cette étude pourront être intégrées dans des scénarios de développement urbain.

Ces modèles théoriques et les outils logiciels qui en découlent permettent de représenter des dynamiques dont la complexité serait impossible à appréhender autrement. Ils apportent un éclairage appréciable quand il s’agit de prendre des décisions en matière de gestion des agglomérations et d’aménagement du territoire.

  1. Théoriser et modéliser pour aménager
  2. Multi-scale urban planning for a sustainable city
  3. Institut national de la statistique et des études économiques
  4. L'évaluation, le choix et la décision dans l'usage des espaces urbains et périurbains
  5. Sont associés à ce projet le Laboratoire de psychologie (EA 3188 UFC), Laboratoire Image et Ville (UMR 7011 CNRS/Université de Strasbourg), Laboratoire CESAER (UMR 1041 INRA/
    ENESAD) de Dijon et le CORE (Université catholique de Louvain-la-Neuve, Belgique).

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Portrait de Jean-Philippe Antoni
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