Une salle de laboratoire de l'institut UTINAM
Institut UTINAM
Auteur 
Catherine Tondu

Mobiliser des solutions innovantes pour lutter contre la pollution

Soucieux de s’adjoindre de nouvelles compétences pour la surveillance et le traitement des sols contaminés par des produits organochlorés sur son site de Tavaux dans le Jura, le groupe SOLVAY est l’instigateur du projet de recherche SILPHES, auquel le laboratoire Chrono-environnement et l’Institut UTINAM de l’université de Franche-Comté apportent chacun leur expertise.

Comptant parmi les plus grandes plateformes chimiques de France, l’usine SOLVAY de Tavaux produit de la soude caustique, de l’hydrogène et surtout du chlore à partir de l’électrolyse du sel. Les dérivés organochlorés entrent dans la composition des produits chimiques et des matières plastiques les plus courants, et sont largement utilisés par l’industrie. Une pollution historique par des solvants chlorés est apparue suite à l’exploitation d’une décharge contrôlée dans les années 1960 et 1970. Depuis plusieurs décennies, des pompages permettent de récupérer les contaminants et de les traiter. Des piézomètres ont été installés, dès les années 1970, pour surveiller l’impact de cette source de pollution, aujourd’hui maîtrisée par un réseau de pompage de confinement, mais néanmoins à l’origine d’un panache de pollution à l’aval du site. Afin d’augmenter l’efficacité des moyens mis en œuvre, le groupe SOLVAY est à l’origine de la création d’un consortium réunissant entreprises de dépollution, partenaires académiques et établissements publics pour compléter son action par des solutions innovantes, pour le traitement aussi bien de la pollution source résiduelle que du panache d’eau contaminée.

Déloger les polluants de la nappe phréatique

Différents processus physico-chimiques sont à l’œuvre pour tenter de venir à bout de la source de pollution, une tâche rendue difficile par la nature même des polluants, entraînés au fond de la nappe phréatique par leur fluidité et leur densité.

À l’Institut UTINAM, Nicolas Fatin-Rouge et son équipe travaillent à faire remonter ces produits polluants infiltrés dans le sol reposant au fond de la nappe pour mieux les extraire. Pour y parvenir, il est indispensable de réduire la forte tension interfaciale entre le polluant et l’eau, qui empêche le produit de se dégager. Le processus est assuré par des agents tensioactifs dégraissants lors du lavage des sols in situ.

Pour augmenter l’efficacité du procédé, les chercheurs d’UTINAM utilisent ces agents pour stabiliser une émulsion eau + air. Ces « mousses », à la viscosité très élevée, entraînent les polluants à travers des mécanismes complexes, de manière beaucoup plus efficace qu’avec une solution ou de l’air. Elles sont envoyées dans la nappe par l’intermédiaire de puits d’injection, et leur consistance assure leur diffusion de façon homogène, pour un rayon d’action plus important. Les polluants remontent sous l’effet de la pression d’injection et de la poussée d’Archimède. Ils sont récupérés au-dessus de la nappe dans des zones poreuses prévues à cet effet.

Ces mousses s’avèrent des produits de remédiation des plus efficaces pour le traitement de la source de pollution. Elles sont également utilisées pour la décontamination du panache d’eau. Selon le même schéma de fonctionnement, les mousses vont diffuser de l’hydrogène, sous-produit valorisable de l’électrolyse. Il se produit alors une réaction chimique de réduction, et des atomes d’hydrogène vont prendre la place des atomes de chlore responsables de la toxicité particulière de ces molécules. « Toutes ces expériences sont menées le plus possible en accord avec le cahier des charges des autres intervenants. L’idée est de combiner les efforts pour la meilleure efficacité possible », souligne Nicolas Fatin-Rouge.

Le chlore cerné par les arbres

Pour mieux combattre la pollution, il est important de bien comprendre son origine et son évolution. La dendrochimie propose des techniques que Michel Chalot, au laboratoire Chrono-environnement, utilise de façon originale pour retracer l’historique de pollution d’un site à partir de la mémoire de ses arbres. « La pollution est absorbée par les feuilles et les racines, elle est enregistrée dans les tissus de l’arbre, et lisible dans les cernes de son tronc. » Les saules et les peupliers, réputés pour être les meilleurs indicateurs, sont « interrogés » à différentes distances sur le site pour mesurer la diffusion de la pollution à partir d’une source située à 12 m de profondeur. Les relevés s’effectuent également à proximité des piézomètres de contrôle pour établir des comparaisons entre les données du sol et de la végétation. De très fines carottes sont prélevées au cœur de l’arbre pour une datation année par année, et des ponctions sont réalisées juste sous l’écorce pour établir le bilan de pollution actuel. Six mille échantillons seront ainsi recueillis et les données traitées par un logiciel tout spécialement mis au point. Des données transmises ensuite à un laboratoire spécialisé en Suède pour analyse de l’élément chlore. « La méthode est applicable à différents cas de pollution, comme les métaux lourds, les hydrocarbures et les PCB », explique Michel Chalot.

Sur le site de SOLVAY, la méthode permettra de mesurer la dispersion du chlore, de dater les épisodes de pollution et de mettre en relation ces informations avec le contexte de l’entreprise pour mieux comprendre les conditions d’apparition et de diffusion de la pollution.

Article paru dans le numéro 254 du journal en direct de septembre-octobre 2014.

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