Un menhir sur la côte sauvage de Quiberon
Yannickvallee CC BY-SA 3.0
Auteur 
Catherine Tondu

L’affaire des menhirs engloutis

La découverte de menhirs sous le niveau marin actuel aidera-t-elle un jour à résoudre le mystère qui plane depuis des millénaires sur leurs clones dispersés dans les champs de Bretagne et d’ailleurs ? Si pour l’instant l’énigme néolithique demeure, l’étude des alignements engloutis et la prospection des fonds marins sur lesquels les mégalithes reposent permettent d'expliquer le mécanisme de remplissage de baies comme celle de Quiberon au fil des millénaires, ainsi que les périodes d'occupation des côtes dans cette région. Un puzzle mêlant les apports de la géologie, de l’archéologie et des techniques d’exploration sous-marines les plus pointues.

Les menhirs dressés dans les champs bretons ne sont que la surface de l’iceberg : dans le prolongement des plus célèbres alignements de la côte est quiberonnaise, l’océan abrite des centaines de mégalithes, pour la plupart renversés par la force des courants marins et recouverts d'algues, mais bien identifiés comme membres de la même famille. L’intuition vient de l’archéologue nantais Serge Cassen, et le secret a été définitivement percé par une équipe de plongeurs professionnels avant d’être exploité par la science.

Géologue à l’université de Franche-Comté, Anne-Véronique Walter-Simonnet poursuit depuis l’intérieur des terres et sur site les recherches qu’elle a commencé à mener voilà quelques années aux côtés de sa consœur Agnès Baltzer, de l’université de Nantes. « Nous voulions comprendre l'histoire du remplissage de la baie de Quiberon et y retracer les fluctuations du niveau marin avant et après que ces mégalithes ont été érigés sur la terre ferme ; Serge Cassen se posait quant à lui des questions sur le peuplement de ces côtes à certaines périodes de l’histoire. »

Témoignages de pierre et de sable

L’aventure scientifique peut commencer, elle va mobiliser d’importants moyens d’exploration sous-marine. La vedette océanographique Haliotis est dépêchée en baie de Quiberon pour la prise de mesures géophysiques et la reconnaissance du site en 3D. Depuis les flancs du navire océanographique Marion Dufresne, une carotte de sédiments de douze mètres sera prélevée dans les fonds marins, des milliers d’années d’histoire logés dans un tube de quarante centimètres de diamètre. Au laboratoire Chrono-environnement, Anne-Véronique Walter-Simonnet analyse les sédiments recueillis après que ceux-ci ont été datés au carbone 14. Un examen précis, qui confirmera les conclusions des relevés géophysiques. « Une concentration importante de restes de coquilles dans des niveaux de sable grossier témoigne d’une mortalité anormale de l’espèce à différentes périodes. » Ces dépôts sont les stigmates de périodes de forte agitation du plan d'eau, probablement engendrées par d’intenses épisodes de tempêtes plusieurs fois répétés au cours de l’histoire. « C’est lors de ces phases d'accélération de la transgression marine holocène que la baie s’est progressivement remplie. » Ces conditions bien peu clémentes expliquent aussi certaines périodes d'absence de peuplement humain sur les côtes, que les observations archéologiques avaient révélées.

Les témoins de pierre les plus anciens, érigés par l'homme il y a 6 500 ans, sont posés à cinq mètres en-dessous du niveau de la mer actuel ; ils sont aussi les plus éloignés : quatre cents mètres les séparent du rivage… De quoi rendre rêveur sur les plages bretonnes cet été.

Article publié dans le numéro 264 de mai-juin 2016 du journal en direct.

Contact

Anne-Véronique Walter-Simonnet
03 81 66 62 89
anne-veronique.walter@univ-fcomte.fr

Laboratoire Chrono-environnement

Tags