trois chercheurs sur un ponton sur la tourbière de frasne
Ludovic Godard
Auteur 
Delphine Gosset

La température des tourbières

Pour anticiper les conséquences du réchauffement climatique,des chercheurs observent les effets d'un changement de température expérimental sur le fonctionnement de la tourbière
de Frasne.

Les tourbières sont des écosystèmes particuliers où la matière organique se décompose très lentement. Ce phénomène est lié à des températures faibles et à un milieu acide, saturé en eau et pauvre en oxygène. Les scientifiques supposent que le réchauffement climatique annoncé modifiera le fonctionnement de ces écosystèmes.

Si les températures et la pluviométrie changent, les énormes stocks de matière organique qui s'accumulent dans les tourbières pourraient se dégrader en libérant massivement du dioxyde de carbone (CO2)1, un gaz à effet de serre.

Pour mieux cerner ce problème, un grand programme de recherche financé par l'ANR2 a démarré en 2008. Il est piloté par l'Institut des sciences de la terre d'Orléans (ISTO) et implique sept équipes3, dont le laboratoire Chrono-environnement de l'Université de Franche-Comté (UFC). Il consiste à simuler expérimentalement un réchauffement sur de petites zones de la tourbière de Frasne (Doubs) et à analyser précisément les changements induits.Six serres hexagonales ouvertes4 ont été installées. Les chercheurs y réalisent divers prélèvements et mesures. Ils procèdent de la même manière dans six zones adjacentes non réchauffées. La comparaison des données ainsi obtenues permet de mettre en évidence des modifications liées à la température. On recherche ainsi d'éventuels changements au niveau de la végétation, de la flore et de la faune microbienne, des dégagements gazeux, de la qualité de l'eau et de la matière organique. Chaque laboratoire partenaire prend en charge un domaine particulier.

Les membres de l’antenne montbéliardaise du laboratoire Chrono-environnement assurent la gestion et le bon fonctionnement de la station expérimentale. Leurs activités de recherches dans ce programme portent principalement sur l'écologie microbienne et chimique. Ils s'intéressent notamment aux sphaignes, des végétaux très présents dans les tourbières (cf. encadré ci-contre).

Ces mousses entrent en compétition avec d'autres plantes et certains microorganismes en accaparant les nutriments,en acidifiant le milieu et en libérant des composés chimiques spécifiques. Les enseignant-chercheurs de Montbéliard analysent la façon dont le changement de température affecte la communication chimique émise par ces plantes. Ils recherchent également d'éventuelles  altérations au niveau des écosystèmes miniatures que constituent les microorganismes hébergés par ces sphaignes.

Les résultats de ce grand projet, baptisé Peatwarm, sont attendus dans un an. « On peut s'attendre à une augmentation des émissions de CO2, ou au contraire à leur diminution, si le réchauffement favorise le développement d'autres végétaux par exemple. Le système est extrêmement complexe et nous cherchons à en élucider les mécanismes », explique Fatima Laggoun-Défarge, qui dirige le projet. Une fois celui-ci mené à son terme, la tourbière de Frasne restera sous surveillance dans le cadre du Réseau national des tourbières, qui vise à observer sur le long terme le fonctionnement de ces écosystèmes face aux perturbations liées à l'homme.

  1. La matière organique est principalement composée de carbone.
    Les micro-organismes qui la décomposent consomment ce carbone,
    respirent et dégagent du CO2.
  2. Agence nationale pour la recherche.
  3. ISTO UMR CNRS 6113 (Orléans), Chrono-environnement UMR
    6249 CNRS-INRA (Besançon-Montbéliard) et EPFL (Lausanne),
    Ecologie et écophysiologie forestières UMR 113 INRA (Nancy),
    ECOBIO UMR CNRS 6553 (Rennes), Synthèse et réactivité des substances
    naturelles UMR CNRS 6514 (Poitiers), Laboratoire de physique
    et chimie de l'environnement et de l'espace UMR CNRS 6115
    (Orléans). FEMTO-ST UMR CNRS 6174 contribue également
    à l'étude pour la modélisation des changements de température.
  4. La température est supérieure de quelques degrés (3 maximum),
    par rapport à ce qu'on observe en dehors des serres. Comme celles-ci
    sont ouvertes, l'influence des précipitations est conservée.

Contact

Daniel Gilbert
Tel : 03 81 99 46 95
daniel.gilbert@univ-fcomte.fr
Laboratoire Chrono-environnement
http://chrono-environnement.univ-fcomte.fr

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