Une siilhouette à Vélo au bord de l'eau
Quentin Pardonnet
Auteur 
Delphine Gosset

La méditerranée à vélo

Pendant neuf mois, Quentin Pardonnet a parcouru le bassin méditerranéen à vélo pour s’immerger dans d’autres cultures. Une expérience humaine inoubliable qui fait l'objet d'une exposition photo.

Il ne faut pas manquer de courage pour partir ainsi seul, à vélo, avec pour tout bagage un équipement de bivouac minimum et un seul objectif en tête : se laisser porter au hasard des rencontres en pédalant sur le pourtour méditerranéen. En août 2009, Quentin Pardonnet a décidé de faire une pause dans ses études de physique à l’Université pour entamer un long périple qui l’a mené jusqu’au Caire, en passant par les Balkans, la Turquie et le Moyen-Orient. « Voyager, c’est aussi une forme d’études », fait-il remarquer à juste titre.

Départ de Besançon, avec un groupe d’amis. Le chapelet de voyageurs s’égraine progressivement au fil des kilomètres : Italie, Slovénie, Croatie, Bosnie, Monténégro… Quentin se retrouve finalement seul en Albanie. Ce jeune cycliste souriant attire l’attention. « Le vélo est un véritable sésame pour entrer en contact avec les gens », raconte-t-il. Cependant, les échanges ne sont pas toujours faciles. « Mon anglais ne me servait à rien ! Je mimais tout… et finissais par douter de mon talent, quand je me retrouvais face à de braves gens, très patients, qui ne comprenaient absolument pas ce que je voulais faire à dix heures du soir dans leur jardin, alors que je leur demandais l’autorisation d’y planter ma tente ! »

Le vélo est un véritable sésame pour entrer en contact avec les gens

Il traverse la Grèce de part en part. La veille de son entrée en Turquie, il renonce à dormir sur la plage en raison d’un orage qui menace et se rend au commissariat. Il demande à passer la nuit en cellule, mais impossible, sans avoir commis d’infraction. Qui dit infraction dit amende, et il n’a plus que deux euros en poche. Alors il tente la caserne des pompiers. Eux non plus ne peuvent pas l’héberger. Après plusieurs heures de discussions et de coups de téléphone, les pompiers lui dégottent une nuit dans un hôtel de luxe aux frais d’une chaîne de télévision locale…

En Turquie, il décide de rester suffisamment longtemps pour apprendre à parler la langue. Il travaille un peu : tantôt serveur dans un restaurant de poisson d’Istanbul, tantôt rédacteur de sous-titres pour des films de propagande Kurde… Il bénéficie souvent de l’hospitalité des gens qu’il rencontre et dort même dans la mosquée, invité par l’Imam. Il lui arrive aussi de camper dans la neige et de faire bouillir de l’eau pour dégeler son pédalier le matin.

Un jour, il se retrouve nez à nez avec un kangal, un de ces énormes chiens de berger capables de tenir tête à un ours. Il passe trois quarts d’heure accroupi derrière son vélo, à attendre… jusqu’à ce qu’un automobiliste compatissant chasse l’animal à coup de pierres depuis son véhicule.

En Syrie, ce voyageur solitaire attire l’attention. Il lui arrive d’être suivi et questionné sur ses motivations. En Jordanie, il est accueilli par des bédouins, ravis de rencontrer un étranger qui partage un peu leur mode de vie. Dans un Hammam, un vieil homme lui raconte son histoire : des grands-parents qui fuient le génocide arménien et s’installent Jaffa. Une enfance dans les camps de réfugiés. Le rêve de revenir sur les lieux de sa naissance. Une haine sourde.  « Tu raconteras au monde mon histoire. Je suis Armad, l’arménien. Dis au monde que j’existe ! » C’est ce qui décide Quentin à faire des gens qu’il a rencontrés l’objet d’une exposition photographique1. Il ne ramène cependant que peu d’images de son voyage, hésitant souvent à sortir son appareil photo, de peur de dénaturer l’instant.

Il tente de rentrer en Israël, mais se fait refouler à la frontière. « J’étais déçu, mais je n’étais pas à plaindre. À côté de moi, une anglo-palestinienne s’est vu refuser le droit d’aller voir son père dont elle était séparée depuis des années»,  déclare-t-il. Ce jour-là, quand il sort affamé  après cinq heures d’interrogatoire, la nuit est déjà tombée. Ne pouvant  planter la tente près du poste frontière, il se décide à frapper à une porte au hasard. Son hôte l’emmènera de fête en fête, pendant plusieurs jours, au point qu’il frise l’indigestion.

Ce qui m'a le plus marqué, c'est l'accueil.

Il passe en Egypte, un pays où il est interdit de voyager seul. Un jour, sa simple présence sur la place d’un village provoque un rassemblement qui rend les policiers nerveux et tourne à l’émeute. Têtu, il s’obstine à circuler sans guide, ce qui lui vaut d’être régulièrement ramené dans un hôtel par la police. Il s’émerveille devant le Sinaï. Alors qu’il pédale péniblement dans le sable du désert, un homme l’interpelle : « Ton vélo est plein, mon chameau est vide, charge donc tes bagages !». Devant ses 13 litres d’eau, il s’esclaffe : « Mais pourquoi tu emportes autant d’eau ? Il y en a partout ! » en lui indiquant, sur des pierres, les marques qui signalent les sources.

Les pérégrinations de Quentin Pardonnet s’arrêtent au Caire, où il fait une longue escale avant de prendre un avion pour Paris, son vélo démonté dans une malle.

Il fait de son voyage un bilan ému et sincère : « Ce qui m’a le plus marqué, c’est l’accueil. Dans les pays musulmans, l’ami voyageur, on lui doit tout. Il m’est arrivé d’être accueilli une semaine entière, avec des familles qui m’adoptaient presque. On m’emmenait cueillir les olives, la grand-mère pleurait à mon départ… J’ai l’impression d’avoir contracté une dette immense avec tout ce qu’on a pu m’offrir de matériel et d’immatériel. »

  1. Cette exposition photo a été financée par le Fonds de soutien et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE)

Article paru dans le magazine tout l'Ufc n°148 en octobre 2011

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