Pile à hydrogène
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[Éclairage] Diagnostiquer les piles à hydrogène

Ces dernières années, les piles à hydrogène font l’objet de beaucoup d’attention et de nombreuses recherches. Parmi celles-ci, l’augmentation de leur durabilité constitue un axe stratégique majeur. Mais pour augmenter leur durée de vie, il faut déjà être capable de diagnostiquer l’état de santé d’une pile à hydrogène. Comment faire ?  Éclairage, par Daniel Hissel professeur à l’Université de Franche-Comté et chercheur à l’Institut FEMTO-ST.

Contexte et objectifs

L’utilisation de l’hydrogène, en tant que vecteur énergétique pour des applications dans le domaine du stationnaire ou dans celui de la mobilité est aujourd’hui au cœur d’enjeux majeurs environnementaux, sociétaux, économiques et industriels. Dans ce contexte dynamique, le convertisseur énergétique qu’est la pile à combustible (ou pile à hydrogène) joue un rôle crucial. Il est en effet destiné à convertir l’énergie stockée chimiquement (via l’hydrogène) en électricité, chaleur et eau ; chacun de ces produits pouvant être valorisé selon l’application visée.

Depuis une vingtaine d’années, ces piles à hydrogène ont fait l’objet de recherches très nombreuses, de l’échelle des matériaux à celle du système complet. Parmi ces recherches, un axe concerne notamment l’augmentation de leur durabilité, dans leur contexte d’application. En effet, pour remplacer à terme des convertisseurs énergétiques plus conventionnels (type machines thermiques par exemple), les piles à hydrogène doivent pouvoir atteindre des durées de vie au moins similaires si ce n’est supérieures, pour garantir leur intérêt et leur viabilité économique et industrielle. Ainsi, des durées de vie de l’ordre de 7000 heures sont recherchées pour des applications automobile, de 30000 heures pour des applications ferroviaires, ou de 60000 heures pour des applications stationnaires [1].

Le diagnostic pour la santé

C’est ici que la notion de diagnostic de l’état de santé de ces piles à hydrogène entre en jeu. En effet, pour permettre d’atteindre de telles durées de vie, il faut en premier lieu être en mesure d’identifier, en temps réel et le plus précisément possible, avec également le moins de capteurs physiques possibles (car coûteux et potentiellement difficiles techniquement à mettre en œuvre) l’état de santé de ces piles à hydrogène.

C’est ce sujet qui mobilise nombre de chercheurs de l’institut FEMTO-ST (unité mixte de recherche de l'université de Franche-Comté et UBFC, associée au CNRS) depuis plusieurs années.

L’idée est d’utiliser un minimum de capteurs sur la pile à hydrogène pour en extraire un maximum d’informations sur son état de santé. Ainsi, les activités de recherche se sont tout d’abord focalisées sur la manière de réaliser des mesures sur la pile à combustible en utilisant les composants déjà présents au sein du système et qui assurent le fonctionnement de celle-ci (typiquement par exemple le convertisseur électrique qui connecte la sortie de la pile à hydrogène à son environnement). Ainsi, grâce à un pilotage dynamique du courant demandé à la pile à hydrogène, il devient possible d’en mesurer l’impédance électrochimique et surtout d’en suivre l’évolution au cours du temps [2]. Cette information est très précieuse pour identifier très rapidement des dysfonctionnements sur le groupe électrogène à hydrogène, et possiblement de les corriger ou d’en atténuer l’impact, dans l’objectif de préserver sa durée de vie.

Une approche complémentaire consiste à avoir recours à des méthodes avancées de traitement du signal (sur des grandeurs très accessibles comme le courant, la tension ou la température), couplées à l’intelligence artificielle, pour identifier le mode de fonctionnement et les performances instantanées de la pile à hydrogène [3].

Ces approches sont aujourd’hui déployées sur nombres de systèmes hydrogène existants, avec des applications dans le domaine de la mobilité (bus à hydrogène développés dans le cadre du projet européen GIANTLEAP) ou dans le domaine du stationnaire (groupes électrogènes de la société H2SYS).

Et maintenant ? 

Maintenant que l’on sait diagnostiquer l’état de santé de la pile à hydrogène, l’idée est d’aller encore plus loin, à savoir pronostiquer sa durée de vie restante, pour pouvoir planifier et faciliter les opérations de maintenance, adapter en temps réel le contrôle du système pile à hydrogène ou même aller vers des systèmes autocicatrisants. C’est tout l’enjeu des recherches actuelles [4]…

[1] Fuel cells and hydrogen 2 joint undertaking, Addendum to the multi-annual work plan 2014-2020, 2018.

[2] Depernet, D., Narjiss, A., Gustin, F., Hissel, D., Péra, M.C., Integration of electrochemical impedance spectroscopy functionality in proton exchange membrane fuel cell power converter, International Journal of Hydrogen Energy, vol. 41, n°11, pp. 5378-5388, 2016.

[3] Li, Z., Outbib, R., Giurgea, Hissel, D., Giraud, A., Couderc, P., Fault diagnosis for fuel cell systems: a data-driven approach using high-precise voltage sensors, Renewable Energy, vol. 135, pp. 1435-1444, 2019.

 [4] Liu, H., Chen, J., Hissel, D., Lu, J., Hou, M., Shao, Z., Prognostics methods and degradation indexes of proton exchange membrane fuel cells: A review, Renewable & Sustainable Energy Reviews, vol. 123, 109721, 22 p., 2020.

Pour en savoir plus sur les travaux de recherche sur l'hydrogène en France : http://www.cpu.fr/newsletter/cpu-linstant-recherche-n16/?fbclid=IwAR2r9z...