Réflexions autour de l’expertise foncière en direction des pays demandeurs d’aide

29 Mars 2018

Gérard Chouquer, directeur de recherches honoraire au CNRS et secrétaire de l’ONG France internationale pour l’expertise foncière (FIEF), abordera la façon dont se présente l’expertise foncière en insistant sur la difficulté mais aussi la nécessité d’avoir une approche épistémologique des situations afin de pouvoir proposer une expertise efficace.

Séminaire G. Chouquer
Laure Nuninger

De nombreuses anecdotes démontrent que la difficulté d’une expertise tient souvent à des impasses et des incompréhensions initiales (d'un côté comme de l'autre), dues à l’insuffisance de connaissances sur la nature de la demande et ce que peut réellement apporter l’offre. La recherche que G. Chouquer mène dans le cadre du pôle « Dynamiques Territoriales » de la MSHE Ledoux et son expérience le conduisent à mettre en avant quelques-unes de ces impasses, parmi les plus fréquemment rencontrées :

  • l’incompréhension de la notion de droits de propriété (droit latin versus droit anglosaxon) ;
  • l’ambiguïté de la notion de propriétés simultanées (simultanéité des types de droits ; simultanéité des types de propriété) ;
  • l’incompréhension autour de la notion de domanialité ;
  • les effets résilients de la colonisation (ex. Immatriculation dans les pays colonisés ; consensualisme non formaliste et sans intervention de l’État en métropole) ; les pays qui ont connu plusieurs colonisations successives doivent assumer des héritages latins, anglosaxons et germaniques qui sont en partie inconciliables ;
  • les diverses modalités pour établir la propriété et la publicité foncière : la propriété, le livre foncier, le cadastre… ;
  • la question de la régulation du foncier : faut-il promouvoir la régulation (type SAFER) ou au contraire la proscrire ?

Aucune expertise ne devrait se dérouler sans qu’au préalable les acteurs aient tenu un séminaire d’une certaine durée pour apprendre à mettre à plat les situations et les interrogations et sans que le pays demandeur ait vraiment réfléchi à la demande qu’il entend élaborer. Et la première aide dont un pays peut avoir besoin, en ce qui concerne les questions foncières, est la mise à plat des attendus et des implicites de sa demande : bref, son épistémologie.

Or les façons actuelles de procéder témoignent encore de méthodologies archaïques, dans lesquelles des experts, insuffisamment connaisseurs à la fois de la demande du pays aidé et de l’offre qu’on peut apporter (souvent parce qu’ils confondent marché et expertise, ou encore recherche et expertise), dispensent des solutions élaborées « en toute méconnaissance de cause ».

Les enseignements de ces constats sont nombreux. Gérard Chouquer voudrait en souligner un : il existe une expertise foncière française originale, faite de consensualisme et de régulation, qui repose sur l’excellence d’outils comme la qualité du droit, l’analyse de sciences sociales, la science géographique, l’outil cadastral, la délégation de services publics à des professionnels libéraux, un réseau d’écoles de formation, etc. On n’a sans doute pas intérêt, sous prétexte de gagner des appels d’offres, à la diluer dans le magma un peu informe de l’expertise internationale tout terrain.   

Le séminaire est organisé par Laure Nuninger, responsable du pôle de recherche 1 « Dynamiques territoriales » de la MSHE Ledoux.

Gérard Chouquer, directeur de recherches honoraire au CNRS, est secrétaire de l’ONG France internationale pour l’expertise foncière (Ordre des géomètres-experts, Paris) depuis 11 ans et a été, jusqu’en 2013, membre du comité technique « Foncier et développement » du MAEE et de l’AFD. Il a travaillé sur des situations foncières dans divers pays du monde et notamment rédigé la première étude universitaire en langue française sur les acquisitions massives de terres (Terres porteuses, 2012, traduction chinoise sous presse). Il a participé à des séminaires et des colloques sur les questions foncières à Bogota, Cotonou, Marrakech, Rome, Tunis, Paris, Prague. Il dirige actuellement une collection d’ouvrages sur les questions foncières et agricoles publiée en chinois par les Presses universitaires Sun Yat-sen de Guangzhou (Canton, Chine) et en français par la MSHE Ledoux dans la collection Les cahiers de la MSHE. Il est membre correspondant de l’Académie d’agriculture de France.

Horaires

De 14 h à 16 h.

Contact

Maison des sciences de l'homme et de l'environnement (MSHE) Claude Nicolas Ledoux