le calculateur neuromorphique photonique
Ludovic Godard
Auteur 
Delphine Gosset

Une idée lumineuse

Qui aurait cru qu’on parviendrait à mimer le fonctionnement du cerveau avec une machine qui exploite certaines propriétés de la lumière ? Laurent Larger et ses collègues ont expérimenté avec succès un calculateur photonique aux performances particulièrement prometteuses.

Depuis une quinzaine d’années, quelques chercheurs du département d’optique de l’institut FEMTO-ST s’intéressent aux fluctuations dites « non-linéaires » de la lumière. Celle-ci, dans son état stable, a des propriétés constantes, mais elle peut développer des comportements dynamiques extrêmement complexes suite à certaines stimulations. Il existe alors une phase transitoire où se mêlent des comportements périodiques et chaotiques. Cet état intermédiaire intéressait jusqu’à présent peu les chercheurs, jusqu’à ce qu’ils décident de l’exploiter pour faire fonctionner un nouveau type de calculateur.

Ce calculateur n’a rien à voir avec les ordinateurs classiques où l’information emprunte des chemins maîtrisés à travers des portes logiques où seuls le « oui » et le « non » sont possibles. Ici, on introduit une notion d’incertitude (« oui », « non » ou « peut-être ») qui enrichit considérablement la puissance de calcul. Ce type d’approche est directement inspiré du fonctionnement des réseaux de neurones dans le cerveau.

un nouveau type de calculateur

La conception du nouveau calculateur élaboré par Laurent Larger et ses collègues suit le concept de « machine à état liquide ». Quand on jette un caillou dans un liquide, sa surface s’agite et forme des vagues. Le liquide au repos représente le système (dans son état stable), le caillou le problème qui lui est soumis, et le motif complexe des vagues correspond au résultat du calcul. La difficulté consiste à interpréter ces motifs. Il faut trouver un algorithme qui permette de les transcrire. Cet algorithme peut être déterminé en soumettant au calculateur un certain nombre de problèmes dont les résultats sont connus.

Par exemple, dans le cas classique d’un système de reconnaissance vocale, on stimule le système avec un échantillon de plusieurs voix différentes qui lisent des chiffres de 1 à 9. Cette première phase d’apprentissage permet de trouver l’algorithme qui donne la correspondance entre les motifs observés et les bons chiffres. On peut ensuite soumettre au système d’autres voix, l'algorithme de lecture des motifs permettant alors d'identifier le bon chiffre malgré les variations sonores.

mimer un réseau de neurones

Ces principes calculatoires, qui relèvent du domaine de l’intelligence artificielle et des neurosciences, ont déjà fait la preuve de leur efficacité lors de diverses simulations informatiques. Mais jusqu’à présent, ils n’avaient jamais été implémentés dans un système physique. C’est pourquoi l’équipe du département d’optique de FEMTO-ST a réussi un tour de force en créant un calculateur qui exploite les comportements complexes de la lumière dans une fibre optique pour mimer l’activité d’un réseau de neurones.

Testé sur un problème standard de reconnaissance vocale, ce calculateur a déjà donné d’excellents résultats. « Et ce, sans que nous ayons eu à développer des procédés d'optimisation poussée » précise Laurent Larger. L’approche est d’autant plus prometteuse que l’optique permet d’atteindre une vitesse de calcul nettement supérieure à celle de l’électronique, avec un débit de classification potentiel de plus d'un million de mots par seconde.

Ce projet fait partie du Laboratoire d'excellence (LabEx ACTION) sur les systèmes intelligents décroché en 2012 par l'institut FEMTO-ST dans le cadre du programme national « investissements d’avenir ».

Contact

Laurent Larger
Département d’optique
Institut FEMTO-ST
Tél. 03 81 66 64 98
laurent. larger@univ-fcomte.fr
http://www.femto-st.fr

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