Trois adolescentes en train de regarder un film et de manger du popcorn
Ludovic Godard
Auteur 
Delphine Gosset

Teen movies : la naissance d’un genre

Hunger Games, Twilight ou encore Scream appartiennent tous à la catégorie des teen movies. Adrienne Boutang, enseignante-chercheuse à l’UFC, a passé au crible ce genre cinématographique dédié aux adolescents. Entretien.

Qu’est-ce qu’un teen movie ?

Le terme de teen movie désigne des films centrés sur les adolescents et qui leur sont également destinés. Ils sont clairement différents des films « à voir en famille » et des films « pour adultes ». C’est un genre principalement nord-américain, hydride dans le sens où il désigne aussi bien des comédies que des films d’horreur ou encore des films de science-fiction.

Quelles recherches avez-vous menées au juste sur ce genre cinématographique ?

Je me suis demandée quelles analogies permettaient de considérer des films si différents comme appartenant à un même genre. Je me suis intéressée aux archétypes, aux personnages, aux thèmes récurrents, comme celui de la confrontation aux parents. J’ai fini par conclure que ce qui définit un teen movie, c’est ton particulier. Il ne faut pas confondre teen movie et film dont le sujet est l’adolescence. La Fureur de vivre par exemple n’est pas un teen movie. Ces derniers ont un ton beaucoup plus léger et sont construits pour séduire les adolescents. Pour le dire de manière un peu caricaturale, ils sont comme leur public : nombrilistes et focalisés sur leurs déchirements intérieurs. Ils se déroulent dans un monde qui oublie temporairement les valeurs adultes au profit des angoisses existentielles et affectives propres à l’adolescence. 

Quelles sont les similitudes entre ces différents films ?

Même s’ils passent par les détours du fantastique et de la science-fiction, ces films fonctionnent comme des manuels de survie dans ce milieu hostile qu’est l’univers adolescent. Dans leur forme, on retrouve des motifs récurrents. Ce cinéma pour adolescents exploite régulièrement les mêmes schémas narratifs, avec par exemple la scène de relooking de la jeune fille qu’on ne remarque pas et qui s’avère finalement très jolie derrière ses lunettes. On a beaucoup reproché à ces films d’être extrêmement standardisés mais il faut savoir que les fans du genre éprouvent un véritable plaisir à voir comment les réalisateurs parviennent à « faire du neuf avec du vieux ».

À quand remonte l’apparition des teen movies ?

Ce genre a émergé dans les années 1950 avec l’apparition des drive-in, puis il s’est consolidé dans les années 1980 quand ont été construits aux USA les premiers multiplexes. Il faut savoir qu’avant les années 1950, dans le cinéma américain, beaucoup de films étaient conçus pour plaire « de 7 à 77 ans ».  Aujourd’hui, mis à part les blockbusters qui restent dans cette optique « tout public », on construit les films par rapport à différentes cibles, dont celle des adolescents.

Pourquoi cet intérêt pour le public adolescent ?

Aux USA, on a tendance à considérer le cinéma comme un vecteur de civilisation et d’éducation, comme j’ai pu le constater lors de mes recherches sur la censure. D’ailleurs, avant les années 1950, cette censure visait essentiellement le public pauvre et les immigrants : on cherchait à préserver les classes populaires d’un éventuel mauvais exemple. Par la suite, ce sont les adolescents qui ont été visés, par crainte de leurs conduites à risques. L’adolescent est une figure qui soulève beaucoup d’inquiétudes aux États-Unis, ce qui me semble d’ailleurs un peu exagéré.

Les teen movies serviraient donc à véhiculer certaines valeurs ?

Ces films ne sont jamais ouvertement moralisateurs : si on fait la leçon, c’est de façon plus subtile, mais même dans Amercian Pie on fait la morale après une série de blagues graveleuses. Ceci dit, au fil des années, ces fonctions de mise en garde et d’éducation se sont progressivement effacées au profit du divertissement. Les œuvres sont devenues plus légères.

Ce genre est-il exclusivement américain ?

Si les États Unis n’ont pas été les premiers à s’intéresser aux adolescents, ils ont vraisemblablement été les premiers à s’adresser à eux de manière exclusive et consciente. En France, cette logique « ado-centrée » est difficilement acceptée et les intrigues adolescentes sont fréquemment redoublées par celles de parents au tournant de la quarantaine. En tous cas, c’est dans le cinéma américain que se sont élaborés des codes, des stéréotypes et des personnages types qui font aujourd’hui partie de l’imaginaire collectif : cette figure du teenager, avec son casier au collège, qui est populaire ou non…  Même en France, le cinéma pour ados est imprégné de cette culture américaine. L’image de l’adolescent tel qu’on le conçoit aujourd’hui est née aux USA.

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Centre de recherches interdisciplinaires et transculturelles - CRIT

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