Instrumentation de ruches par des étudiants de l'IUT de Belfort-Montbéliard
IUT de Belfort-Montbéliard

À Montbéliard, même les abeilles sont connectées

Sur le campus universitaire montbéliardais, on ne trouve pas de robots-abeilles pour remplacer les pollinisatrices qui ont disparu. Mais à l’automne, de vraies abeilles viendront habiter dans des ruches connectées veillant à leur sécurité : un projet interdisciplinaire commandé par Pays de Montbéliard agglomération aux étudiants en master Gestion de l'environnement à l’UFR STGI et en DUT Mesures physiques à l’IUT de Belfort-Montbéliard.

Pour promouvoir la transition énergétique et écologique et en particulier la mobilité douce sur le campus des Portes du Jura, Pays de Montbéliard agglomération (PMA) a lancé l’opération « Écomobilité sur le campus universitaire », projet lauréat d'un programme ministériel1. « C’est un campus orienté mobilités du futur et numérique, souligne Jean-François Klopfenstein, directeur enseignement, recherche, formation à PMA. Nous souhaitons associer le plus possible les étudiants pour favoriser leur mobilité en prenant en compte les questions de développement durable. » Création d’une « vélostation » adaptée aux vélos électriques, d’une aire de covoiturage répondant à des critères environnementaux, développement du covoiturage avec « Campus Car »²… autant d’actions et bien d’autres sur lesquelles les étudiants du Nord Franche-Comté travaillent (UTBM ; département Énergie de l'UFR STGI ; départements MMI, Réseaux et télécommunications, Génie civil – Construction durable de l'IUT).

Le projet de la communauté d'agglomération inclut la mise en place de ruches sur le territoire pour faire face à la diminution des colonies d’abeilles et aux problèmes de pollinisation qui en découlent. Surprenante, cette obligation d’installer des ruches sur le campus a conduit, là encore, à un projet interdisciplinaire : les étudiants en master Gestion durable de l'environnement pour les territoires et les entreprises (UFR STGI) ont cherché la localisation optimale pour les ruches et ont sélectionné les plantes les plus intéressantes pour les futures habitantes du campus. Mais le projet va encore plus loin avec un volet « instrumentation des ruches » confié aux étudiants en 2e année de DUT Mesures physiques pour établir une surveillance connectée des petites habitations en bois, tout en facilitant le travail d’Arnaud Adam, de l’Union apicole du Pays de Montbéliard.

Des ruches sur écoute

L’apiculteur montbéliardais possédait 22 ruches à l’entrée de l’hiver 2017 mais il n’en restait plus que trois quelques mois plus tard… « Le comptage des abeilles se fait à l’entrée et à la sortie de l’hiver, sachant qu’en hiver, une ruche en bonne santé comporte au minimum 20 000 abeilles, population qui s’élève – naturellement – jusqu’à 100 000 en été, explique Arnaud Adam. La moitié des abeilles meurent pendant l’hiver. Sauf quand il y a un problème. » Cette hécatombe 2017 est la première qu’Arnaud Adam ait connue en dix années d’apiculture. La cause de cette tragédie ? Une intoxication par un produit étranger, dont l’origine est inconnue car les analyses n’ont pas pu être réalisées à temps. « Le pollen contaminé va provoquer sur les nouvelles abeilles qui s’en nourrissent des problèmes neurologiques : désorientées, elles ne reviendront pas à la ruche, qui périclite. L’hiver suivant, n’étant pas assez nombreuses, elles ne pourront plus se tenir chaud et mourront de froid. » D’où l’intérêt de surveiller en temps réel des ruches qui peuvent être éloignées : le suivi du poids de la ruche, plus précisément de l’ensemble des abeilles, de sa température et de son taux d’humidité va ainsi permettre d’agir très rapidement en cas de données inhabituelles ou incohérentes.

Maxime Vanhuyse, Valentin Henriot, Tanguy Saintot, Antoine Node, Léo Marc, Loïc Rouaud, étudiants en 2e année de DUT Mesures physiques, ont ainsi été missionnés pour l’instrumentation des ruches, qui seront installées dans quelques semaines sur le toit d’un bâtiment du campus. « Nous avons étudié comment et où installer les instruments, ainsi que l’aspect électronique, c’est-à-dire le montage et la programmation des composants », explique Maxime.

Après l’étude préalable pour la mesure de la masse, de la température et de l’humidité dans la ruche, il a fallu choisir les capteurs et le système d’alimentation électrique, puis mettre en œuvre les dispositifs de mesure périodique à l’aide d’une carte Arduino. Sur cette carte électronique se trouve un microcontrôleur configuré par les étudiants, qui ont également dû créer un programme qui transmet les données des capteurs de manière régulière. Les capteurs et la carte Arduino ayant chacun un langage informatique spécifique, les étudiants ont ensuite cherché la librairie adéquate permettant une communication plus simple entre ces différents systèmes. Une autre librairie est utilisée pour envoyer un SMS contenant les données récoltées à l’apiculteur, grâce à la carte SIM reliée à la carte Arduino. La difficulté étant de réussir à faire communiquer les différents matériels électroniques entre eux.

L’étape suivante consistait à installer le système de mesure dans les ruches sans que le travail de l’apiculteur ne puisse ensuite en être gêné. Les résultats obtenus dans différentes conditions climatiques ont ensuite été évalués. La dernière phase du projet concernait l’étude d’un dispositif de transmission des informations par réseau informatique et la communication des résultats.

Des données vitales pour les abeilles

Le premier capteur mesure la température et le taux d’humidité à l’intérieur de la ruche : « Il n’y a pas de système de chauffage dans la ruche, sourit Vincent Chollet, enseignant au département Mesures physiques3. Ce sont les abeilles elles-mêmes qui régulent la température. Si la température chute, c’est le signe que les abeilles sont en train de mourir. Grâce aux données transmises en temps réel, l’apiculteur peut intervenir rapidement et sauver la population. » Quant au poids de la ruche, il oscille entre 50 et 100 kg. « Nous avons créé une balance à l’aide d’un capteur de force qui nous permet de mesurer le poids de l’ensemble des abeilles », précise Valentin Henriot. Les données de ce second capteur permettent ainsi de savoir si toutes les abeilles sont bien rentrées le soir après leur journée de butinage. L’accumulation du miel produit fait lui aussi varier le poids de la ruche ; les chiffres transmis permettent de savoir quand il faut récolter le précieux nectar. Les relevés de données sont envoyés trois fois par jour par SMS à l’apiculteur.

Combinant développement durable et mise en application des cours, ce projet tuteuré était plébiscité par les étudiants qui l’ont porté : un « challenge » pour Maxime, « l’occasion de mettre en pratique et d’approfondir les connaissances acquises en programmation, en électronique, en instrumentation, en programmation de bibliothèque relative à un capteur, en programmation en langage C d’une carte Arduino… » pour Valentin. Le projet nécessitait également une certaine maîtrise du bricolage en général et en menuiserie en particulier puisqu’il a fallu scier, percer, découper au ciseau à bois, visser, raboter, souder… Valentin évoque aussi toutes les nouvelles connaissances développées au cours de la réalisation du projet, notamment sur le fonctionnement des capteurs : « Chaque capteur a son propre langage et doit donc avoir sa propre librairie, c’est-à-dire un ensemble de fonctions qui permettent de programmer un capteur plus facilement, sachant qu’en fonction du capteur, il y aura des fonctions différentes dans le programme. Et c’est le fabricant du composant qui met à disposition cette librairie, ce morceau de programme simplifiant le travail pour ne pas avoir à tout programmer. »

Une fois le système dupliqué, les six ruches équipées seront installées, à l’automne, sur le toit d’un bâtiment du campus. Sous protection rapprochée, les abeilles seront dorlotées car, comme le disait un vieux slogan, « le bonheur, c’est simple comme un coup de fil ». Ou un SMS.

  1. Il s'agit du programme « Territoires à énergie positive pour la croissance verte » (TEPCV) créé par le ministère de la Transition écologique et solidaire (ex-ministère de l’Environnement). C’est « un territoire d’excellence de la transition énergétique et écologique. La collectivité s’engage à réduire les besoins en énergie de ses habitants, des constructions, des activités économiques, des transports, des loisirs. Elle propose un programme global pour un nouveau modèle de développement, plus sobre et plus économe. »
    Source : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/territoires-energie-positive-croissance-verte
    En savoir plus sur les TEPCV : http://www.tepcv.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=sommaire
  2. « Campus car » est un projet visant à promouvoir le covoiturage et à pallier les problèmes de stationnement. Il a été initié par les étudiants du département Métiers du multimédia et de l’Internet (MMI) de l'IUT. Le projet a été lauréat du GreenTicCampus Challenge en 2015.
  3. Vincent Chollet est professeur agrégé en physique appliquée et responsable pédagogique de la licence professionnelle Capteurs, instrumentation et métrologie (CIM).

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IUT Belfort-Montbéliard

un étudiant devant un ordinateur
Un étudiant de l'IUT bricole une des ruches
Les étudiants bricolent sur les ruches