Artocarpus altilis
Forest & Kim Starr
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Médecine traditionnelle et pharmacie : une fructueuse collaboration franco-thaïlandaise

Des chercheurs en pharmacie de l'université de Franche-Comté coopèrent avec leurs homologues thaïlandais de l'université Naresuan autour de l'usage traditionnel de plantes. Ils étudient les effets bénéfiques d'extraits de végétaux contre le vieillissement et certaines maladies cutanées ou cardiovasculaires. Des échanges pédagogiques s'ajoutent à ces collaborations scientifiques.

Aloe vera pour l'hydratation, noix de coco ou jus de banane pour leurs vertus nutritives… De nombreuses plantes ont été utilisées en médecine traditionnelle avant que l'industrie pharmaceutique ne s'empare de leurs principes actifs. Artocarpus altilis, Tectona grandis Linn, Mimosa pudica, Abelmoschus esculentus… sont autant d'espèces qui renferment des molécules aux propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires ou encore antimicrobiennes. Des effets qui intéressent les chercheurs de l'université Naresuan1, à Phitsanulok, en Thaïlande. Ceux-ci sont experts en technologie d'extraction et d'identification de composés naturels.

Artocarpus altilis, par exemple, plus connu sous le nom d'arbre à pain, est une plante traditionnellement utilisée dans la médecine asiatique pour ses effets cicatrisants. En 2009, Jarupa Viyoch est venue de l'université Naresuan effectuer son post-doctorat au sein du laboratoire d'Ingénierie et de biologie cutanées (une équipe de l'UMR 1098 EFS-INSERM-UFC Interaction hôte-greffon-tumeur et ingénierie cellulaire et tissulaire) pour tester sur des cellules de peau saine et pathologique des principes actifs issus de ce végétal. Le laboratoire bisontin développe en effet des modèles expérimentaux permettant d'étudier les désordres cutanés et le vieillissement lié à l'exposition au soleil.

Cette enseignante-chercheuse est depuis devenue directrice du Centre d’excellence en innovation de l’université Naresuan et la collaboration s'est poursuivie au fil des ans. Les chercheurs français et thaïlandais ont ainsi pu montrer que les extraits d'Artocarpus altilis stimulent la synthèse de collagène, une substance qui intervient dans les phénomènes de cicatrisation, qui permet d'assurer la fermeté de la peau et atténue l'apparition des rides. Leurs investigations portent désormais sur les effets de cette plante sur la synthèse de mélanine. Leur objectif est de trouver d'éventuelles pistes permettant de prévenir l'apparition de certains cancers de la peau.

Des doctorants et post-doctorants de l'université Naresuan viennent régulièrement à Besançon pour collaborer avec les chercheurs français dans la recherche d'actifs végétaux naturels pouvant avoir un effet bénéfique sur la santé. Cette coopération franco-thaïlandaise, financée dans le cadre d'un partenariat Hubert Curien2 et d'un programme Royal Golden Jubilee, est en passe de s'élargir à un groupement scientifique impliquant également des chercheurs japonais et américains.

Ethnopharmacologie

Les chercheurs de l'équipe d'accueil EA 4267 PÉPITE (Pathologies et épithéliums : prévention, innovation, traitements, évaluations) collaborent également avec les facultés de pharmacie et de sciences médicales de l'université Naresuan. Leur démarche est de nature ethnopharmacologique : ils cherchent eux aussi à démontrer scientifiquement l'effet des plantes utilisées en médecine traditionnelle, et découvrent de nouveaux principes actifs qui pourraient donner naissance à des médicaments pour traiter des pathologies liées à l'âge, notamment celles qui touchent le système cardiovasculaire.

Les chercheurs bisontins3 et thaïlandais4 partagent leurs expertises et leurs modèles expérimentaux dans les domaines de la pharmacologie, pharmacognosie et toxicologie. Cette collaboration, qui a bénéficié de financements du ministère des Affaires étrangères et de Campus France5, a permis la venue en France de plusieurs étudiants en master, en doctorat ou en post-doctorat, l’accueil en Thaïlande d’un doctorant français, l'encadrement de deux thèses et la venue d’un chercheur thaïlandais en tant que professeur invité à l’université de Franche-Comté.

D'abord construite autour de la recherche, cette coopération s'est étendue en 2018 au champ de la pédagogie grâce à l’obtention d’un financement Erasmus+6. Les deux universités enseignent des disciplines similaires : physiologie, pharmacologie, pharmacognosie, toxicologie, pharmacie galénique, mais de manière différente et complémentaire. Dans le cadre de la collaboration pédagogique, une enseignante thaïlandaise est venue faire cours aux étudiants de 2e, 3e et 4e année de pharmacie et une enseignante française s'est rendue à l'université Naresuan pour enseigner la pharmacie et la toxicologie aux étudiants de niveau master des facultés de pharmacie et sciences médicales. « Ce type de projet stimule l’innovation pédagogique, apporte une certaine ouverture d'esprit à nos étudiants en leur offrant une vision comparative des cursus de santé, et les incite à manier l'anglais. Il contribue aussi au développement de masters internationaux dans le domaine de la santé », souligne Céline Demougeot, enseignante-chercheuse coordinatrice départementale de ce programme à l'université de Franche-Comté.

Le premier accord de coopération entre l'université Naresuan et l'université de Franche-Comté a été signé en 2003 et depuis, les échanges se sont multipliés. Une délégation s'est rendue en Thaïlande début juin pour renforcer ces coopérations. La direction des relations internationales et de la francophonie (DRIF) de l'université de Franche-Comté travaille maintenant à développer la mobilité étudiante au niveau du master LipThérapy et en sciences du langage. Parallèlement, le président de l'université de Franche-Comté et le directeur de la DRIF se sont rendus en Thaïlande et en Malaisie. L'Asie du Sud-Est fait en effet partie des zones prioritaires en matière de politique internationale pour l'établissement.

  1. L'université Naresuan est une université récente (elle a été créée en 1990) qui compte aujourd'hui environ 20 000 étudiants. À l'instar de l'université de Franche-Comté, elle est multidisciplinaire. Elle compte 16 facultés, 3 écoles, un collège et un institut, et s'organise autour de trois grands axes : les sciences de la santé, les sciences technologiques et les sciences sociales.
  2. Le programme PHC Siam 2017-2018 Natural Products – From Basic to Translation: Herbal Extracts for Aging Prevention and Treatment (responsable France : Céline Viennet Steiner ; Responsable Thaïlande : Jarupa Viyoch, professeur associé) permet de favoriser les échanges, d’accroître la visibilité des domaines de compétences de chaque partenaire, de construire des rapprochements nouveaux.
  3. C. Demougeot, C. Girard, H. Martin
  4. K. Chootip, K. Ingkaninan, D. Pekthong
  5. Un financement BioAsie accordé par le ministère des Affaires étrangères français (2008-2011), intitulé PLANTASAFE: ASian PLANT-derived drugs and hepatic SAFEty: studies to improve research transfer to applications in patients, et un financement Partenariat Hubert Curien (PHC) SIAM (2015-2016, Campus France), intitulé NATSAT: Natural substances for anti-aging therapeutics.
  6. Dans le cadre du programme Erasmus+, l'action Mobilité internationale de crédits (MIC) permet le financement de mobilités, dont des mobilités d'enseignement et de formation pour les personnels, entre une université européenne et une université non-européenne.

Contact

Céline Viennet
UMR 1098 EFS-INSERM-UFC- Laboratoire Interaction hôte-greffon-tumeur et ingénierie cellulaire et tissulaire
celine.viennet@univ-fcomte.fr

Céline Demougeot
EA 4267 - PÉPITE
celine.demougeot@univ-fcomte.fr

DREIF - Direction des relations internationales et de la francophonie

Rencontre de partenaires thaïlandais et français à l'UFR Santé
Des représentants de l'université de Franche-Comté et de l'université Naresuan
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