Un groupe d'étudiants polynésiens, ukrainiens et cubains.
Ludovic Godard
Auteur 
Delphine Gosset

Ils sont venus de Tahiti, Kiev ou La Havane pour étudier à Belfort

Le parcours Génie électrique du master Énergie accueille cette année des étudiants qui ont parcouru jusqu'à 20 000 km afin de suivre leur cursus à l'UFR STGI. Ils viennent de Polynésie française, de Cuba ou d'Ukraine.

La Polynésie française, avec ses cinq archipels répartis sur une superficie grande comme l’Europe, détient un potentiel inégalé en matière d’énergies renouvelables. Elle est pourtant extrêmement dépendante du pétrole pour sa production d’électricité. « Si Singapour stoppe notre approvisionnement, toute la région se retrouve dans le noir », commente Heimanarii Maamaaiuaiahutapu, étudiant en première année de master Énergie à Belfort. À l’instar de deux de ses camarades de promotion, Heirani Tang et Mahana Frogier, il a parcouru 20 000 km pour venir étudier le génie électrique à l’UFR STGI. L’objectif de ces étudiants : acquérir les connaissances et les compétences qui leur permettront de devenir, chez eux, des cadres de ce secteur. « La Polynésie française manque d’ingénieurs formés dans ce domaine et les grandes entreprises doivent faire appel à ceux de la métropole », souligne Heirani Tang.

C’est la raison pour laquelle l’université de Franche-Comté, l’université de technologie de Belfort-Montbéliard et l’université de Polynésie française (UPF) se sont associées pour créer un troisième parcours en deuxième année de master Énergie. Intitulé Gestion des énergies en milieu insulaire et tropical (GEMIT), celui-ci ouvrira à Tahiti à la rentrée prochaine, en plus des parcours Génie électrique et Ingénierie thermique et énergie proposés à Belfort.

Un même master pour Belfort et Tahiti

Heimanarii, Heirani et Mahana retourneront donc terminer leur formation à l'UPF. Pour le moment, ils travaillent dur. Deux d’entre eux viennent de licence professionnelle et avouent avoir éprouvé des difficultés avec certains aspects théoriques et outils logiciels. « Ils sont les premiers à avoir testé la formule. Nous avons tenu compte de leur expérience et convenu avec nos collègues en Polynésie de renforcer certains éléments du programme de la troisième année de licence », précise Samir Jemei, responsable du parcours Génie électrique du master.

Si cette année d'études en Franche-Comté est pour ces trois étudiants la garantie d’une bonne insertion professionnelle, l’effort est réel, tant sur le plan financier (le billet d'avion coûte environ 4 000 euros) que par rapport à l'éloignement familial. Arrivé sans bourse et sans logement, Heimanarii a heureusement bénéficié de l’aide de membres de la communauté polynésienne de Belfort au moment de son arrivée. Le dépaysement était au programme : « J'ai pris le train pour la première fois et découvert des températures négatives... enfin, inférieures à 20°C !  », plaisante-t-il. L'ambiance semble également moins chaleureuse en Franche-Comté qu'en Polynésie. « J'ai eu quelques surprises : quand j’ai voulu aller pêcher à l’étang des Forges, je me suis fait rabrouer, je ne savais pas qu’il fallait un permis ! », raconte Mahana Frogier en riant. Cependant, cet hiver, tous ont profité des joies de la neige. 

S'adapter aux études en France

« La ville n'est pas très grande mais c’est très bien pour se focaliser sur les études ! », assure Heimanarii. Pour Laura Gámez López, qui vient de La Havane, le fait d'être dans une petite ville a des côtés pratiques : « tout est près ». Déjà détentrice d'un diplôme d'ingénieur de l'institut supérieur polytechnique (CUJAE), elle est venue chercher un complément de formation à l'université de Franche-Comté. « À Cuba, le niveau master est supérieur au niveau ingénieur, plus technique », explique-t-elle. Une bourse Victor Hugo1 lui a permis de réaliser un vieux rêve : étudier en France. C'était son premier grand voyage. « Je n'ai pas rencontré de difficulté particulière car avec le dispositif Victor Hugo, tout est organisé, y compris le logement ». En revanche, pas facile de suivre les cours en français même si elle maîtrise bien la langue, car les enseignants parlent vite. Laura s'intéresse en particulier à une spécialité des laboratoires belfortains2 : l'utilisation de la pile à combustible dans les véhicules. « J'aimerais travailler dans le secteur automobile, quelque part en Europe, après ma deuxième année de master », déclare-t-elle.

Pour Andriy Babenko, le dépaysement était moindre. Ce jeune Ukrainien a d'abord suivi trois ans de licence en génie électrique à l’université nationale technique de Donetsk, puis de Kiev. Il est ensuite parti suivre à Rennes sa quatrième année3 avant de s'inscrire en master à l'UFR STGI. Il parle parfaitement le français, sa quatrième langue après le russe, l'ukrainien et l'anglais, grâce à un séjour en Belgique pendant son adolescence. Il relève lui aussi quelques différences dans les méthodes d'enseignement. « On utilise une notation sur 100 points avec laquelle il ne suffit pas d'avoir la moyenne : une note positive c'est plutôt à partir de 75 sur 100 », explique-t-il. Satisfait des contenus des cours et des conditions matérielles offertes à l'UFC, il prévoit d'y finir son master. « L'an dernier j'avais fait un stage sur les réseaux électriques de Bretagne, chez EDF. J'ai adoré cette expérience. À l'avenir, j'aimerais beaucoup travailler dans un grand groupe », avoue-t-il.

Ouverture d'un parcours à l’alternance

Une soixantaine de diplômés sortent chaque année du master Énergie, dans les parcours Génie électrique, GEMIT et Ingénierie thermique. Ce dernier parcours « forme des cadres de niveau ingénieur et des chercheurs dans le domaine de l'énergétique capables de concevoir, modéliser et gérer des systèmes thermiques industriels ou liés à l'habitat », explique Sylvie Bégot, l'enseignante responsable. À partir de la rentrée prochaine, les étudiants qui le souhaitent pourront le suivre en alternance, dans le cadre d'un contrat de professionnalisation. Une dizaine d'étudiants de M1 envisage de s'orienter vers cette formule.

  1. Bourses de l'université réservées aux étudiants sud-américains.
  2. FEMTO-ST et le FC Lab
  3. Les licences ukrainiennes, sur le modèle du bachelor, s'effectuent en quatre ans.

Contact

portrait de Heirani Tang
Portrait de Mahana Frogier
Portrait de heimanarii Maamaaiuaiahutapu
Portrait de Laura Gamez Lopez
Un groupe d'étudiants dans une salle de TP